L'hebdomadaire satirique a trouvé une méthode toute simple pour faire exploser ses ventes : publier des caricatures provocatrices sur le Prophète. Et ça ne rate jamais. Stagnant à 45 000 exemplaires dans les meilleures semaines, il a tiré hier son numéro à 75 000 unités, écoulés en moins de deux heures. 200 000 autres exemplaires sont sous presse. Paris. De notre correspondant La marque de fabrique de Charlie Hebdo a toujours été la provocation et la caricature. Cette semaine, l'hebdomadaire satirique remet une couche sur le prophète Mohamed et les intégristes musulmans, des caricatures consternantes. Elles seraient passées inaperçues si elles n'étaient pas publiées à un moment déjà explosif, avec des manifestations violentes dans de nombreux pays musulmans. «Il y a de la provocation comme toutes les semaines, pas plus avec l'islam qu'avec d'autres sujets», justifie son directeur de publication, le dessinateur Charb. Et d'appeler le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui, tout en condamnant les caricatures, défend la liberté d'expression, à «soutenir la liberté de la presse et la République, plutôt que d'être impressionné par une bande de clowns ridicules qui manifestent devant l'ambassade des Etats-Unis». Comme il s'y attendait, même s'il s'en défend, la polémique a pris tout de suite. De nombreuses personnes ont acheté plusieurs exemplaires de Charlie Hebdo pour les jeter ou les froisser publiquement, contribuant ainsi à alimenter le tiroir-caisse du journal qui, après avoir écoulé 75 000 exemplaires, en a mis sous presse 200 000 autres. Toute la classe politique s'est désolidarisée de cette «provocation», tout en appelant à la responsabilité. Ce qui n'est pas pour déplaire à Charlie Hebdo qui en a fait son fonds de commerce. «S'il faut tenir compte du contexte, le contexte mondial ne sera jamais favorable à rigoler de l'islam radical ou des religions en général, si on tient compte du contexte, on ne parle plus de rien, jamais, la presse satirique est condamnée et c'est foutu», se défend Charb. Le journal satirique n'est pas islamophobe, il fait plutôt acte de cynisme et d'un sens aigu des affaires. Ses ventes explosent et il se fait chantre de la liberté à moindre coût. Déjà en 2006, il avait reproduit des caricatures publiées quelques semaines auparavant dans un journal danois. Une opération médiatique couronnée par un record de vente : un demi-million d'exemplaires. Seulement, le contexte international a changé. La presse française est partagée. Avec des mots voilés, elle se demande si les éditeurs n'ont pas une certaine responsabilité à respecter. «Les caricatures incriminées sont de mauvais goût, voire affligeantes. Elles sont surtout publiées à un moment qui va contribuer sciemment à mettre de l'huile sur le feu, ce qui amène en effet à se poser des questions sur le sens des responsabilités de leurs auteurs et éditeurs. Mais l'on ne saurait renvoyer dos à dos Charlie Hebdo et ses inquisiteurs. D'un côté, l'on veut faire rire et vendre, de l'autre, on lance des anathèmes», écrit Le Monde. Le directeur de Charlie Hebdo, Charb, dit n'avoir pas reçu de menace. «Ça fait un an qu'on est protégé par la police depuis l'incendie des locaux, si c'est la condition pour s'exprimer librement en France, on sera protégé par la police comme la police protège la liberté des Français.» Un grand gâchis. Le défenseur de la liberté d'expression est devenu un commerçant…