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chômeurs «professionnels» au pays du gaz
Ils dénoncent le marché de l'emploi à Hassi R'mel
Publié dans El Watan le 22 - 09 - 2012

Lamine, 24 ans, est dégoûté. Agent de sécurité dans une société de gardiennage, il vient d'apprendre qu'il a été mis fin à son contrat d'une façon arbitraire. «C'était mon premier vrai travail», confie-t-il.
«Je suis allé passer mon congé à Blida, ma ville d'origine. En revenant après l'Aïd, j'ai appris que mon contrat prenait fin après 7 mois de service seulement, pour soi-disant fin de chantier. Ces sociétés ne respectent rien», peste-t-il. Et d'ajouter : «Je touchais à peine 25 000 DA pour une charge de travail qui atteignait parfois les 20 heures d'affilée. En plus, tu paies la bouffe de ta poche.» En dépit de la tuile qui vient de lui tomber sur la tête et qui le renvoie à la case «chômeur», Lamine s'efforce de garder son humour : «Je ne demande qu'à travailler. Même homme de ménage, maâliche», lâche-t-il, avant de poursuivre : «J'ai débarqué à Hassi R'mel à l'âge de 7 mois. J'ai tous les papiers : carte militaire, casier judiciaire, carte de vote, permis de conduire, les photos de mes voisins. Tous ont été établis à Hassi R'mel ! Malgré cela, je me retrouve sans emploi pendant que des agents de sécurité sont parachutés de nulle part, alors qu'ils n'ont même pas passé leur service militaire et n'ont aucune formation.»
Selon lui, trouver un job sans piston à Hassi R'mel est tout simplement «impouhal», comme il dit (contraction de «impossible» et «mouhal»). Lamine recommence éternellement la même journée. C'est son mythe de Sisyphe. Il se dirige machinalement vers le café Zénati où il a ses habitudes auprès de ses potes, Hamou et Walid, des «chômeurs de métier» comme lui. La discussion va bon train sur le marché du travail et la vie d'un jeune dans une ville saharienne où il n'y a aucune distraction, aucun loisir. «Avant même que tu sortes de chez toi, tu as la flemme de pointer ton nez dehors, car tu sais que tu n'as pas où aller. Pensez-vous franchement que vous êtes dans la deuxième commune la plus riche d'Algérie ?», clame Hamou.
Sonatrach-City
Leurs parents, pour la plupart, ont atterri à Hassi R'mel dans le cadre d'une migration de travail. Ils ont fait Sonatrach, GTP ou quelque autre compagnie ayant pignon sur «champ». Eux, ils ne sont guère sûrs d'avoir la même chance que leur père. Avec ses bases de vie et ses installations industrielles, Sonatrach fait office de ville dans la ville. Et eux, ils n'ont évidemment pas accès à «Sonatrach-City». «Regardez les résidences de Haï Ezzouhour ou celles de la base du 24 Février ! Elles ont une clôture, des agents qui veillent sur leur sécurité. Ils (les cadres de Sonatrach, ndlr) ont de beaux jardins. Ils ont leur propre hôpital et toutes les commodités, alors que le reste de la ville est clochardisé, comme si nous, nous étions des sauvages», dénonce Walid. «Mais nous, on ne demande pas Sonatrach. On veut juste un boulot stable», insiste Lamine.
De ce fait, trouver un travail reste pour eux un rêve inaccessible, au point de s'ériger en fantasme. Ils voient tout près d'eux les fameuses torchères qui ponctuent le paysage et l'imposant complexe gazier de Sonatrach. Mais, paradoxalement, cette zone industrielle, l'une des plus importantes du pays, où activent quelque 25 sociétés (entre entreprises nationales et groupes étrangers) est devenue, à leurs yeux, synonyme de zone d'exclusion. Aussi, pestent-ils avec véhémence contre le marché de l'emploi et ses lois implacables. Ils tirent à boulets rouges sur les bureaux de main-d'œuvre, les autorités, en pointant le jeu malsain des courtiers de l'embauche qui troquent leur force de travail contre des commissions mirobolantes, dont ils ne perçoivent que des miettes. Lamine fulmine : «Ce n'est pas vrai que les jeunes de Hassi R'mel sont des fainéants qui ne cherchent que des postes à la carte. Les gens ne demandent qu'à travailler. Nous ne manquons pas d'ingénieurs ici ni de gens diplômés. Pourtant, tu vois des ingénieurs d'Etat faire agent de nettoyage ou serveur pendant que les meilleurs recrutements se font sous notre nez.»
Et de lancer avec ironie : «Normalement, à Hassi R'mel, tu es payé sans rien faire. Moins de 30 000 DA, c'est un scandale. Ils devraient nous verser toutes les primes possibles : prime de risque, prime de soleil, prime d'angoisse…» Fayçal, la trentaine, chauffeur de taxi, était l'un des animateurs les plus actifs de la fameuse action de protestation des chômeurs de Hassi R'mel qui avait secoué la région en début d'année et qui avait duré deux mois entiers. Originaire de Skikda, Fayçal est établi à Hassi R'mel depuis une vingtaine d'années. Il est venu dans les bagages de son père, aujourd'hui retraité de Sonatrach. Fayçal est diplômé en gestion des stocks. Futé comme un lutin, il a tout tenté.
«J'ai fait toutes sortes de boulots. J'ai navigué un peu partout», raconte-t-il. «Un jour, on a eu vent de 140 postes promis par Sonatrach qui ont été dégagés. J'ai décidé d'y postuler. Tu vois des gens qui débarquent et qui, en 48 heures, ont leur carte de chômage, leur certificat de résidence, leur bulletin d'embauche et tout. Tous sont parachutés, soit par un général, soit par un commissaire, un entrepreneur ou un notable. Je me suis dit : Wallah, pour une fois, je vais demander un emploi. Pourquoi il n'y en a que pour eux ? J'ai déposé un dossier en règle à l'ANEM. Je n'ai pas été convoqué pour passer le test, alors que c'est un droit. J'ai fait un scandale à l'APC et j'ai passé le test. C'était largement à ma portée. Finalement, les 140 postes ont été attribués à des gens pistonnés. J'ai décidé de passer à l'action. Avec des copains, on a tenu un sit-in. On a dressé des tentes et on a fait une grève de la faim. On a fait le siège du complexe administratif de Sonatrach et la base du 24 Février. Au final, seuls quelques chanceux ont été embauchés.»
Fayçal en est convaincu : «Quand il y a des postes qui se présentent, souvent, il n'y a pas d'affichage. Les tests sont organisés pour la forme. Les dés sont pipés. Chacun donne un quota aux siens. Le fils d'un responsable change de poste comme il change de chemise. Il a quitté GTP pour Sonelgaz. On lui a proposé un salaire de 27 000 DA. Il leur a jeté le contrat en leur disant : ça, c'est à peine le montant du flexy de mon portable. Il était simple chauffeur.»
Les négriers de l'embauche
Hamou, qui avait pris part à cette action, dénonce la répression qui s'abat sur les chômeurs dès qu'ils montent au créneau : «Quand on avait fait notre action, on a été sauvagement tabassés par la police. Il y a des manifestants qui ont eu le crâne ouvert. Après, on parle d'indépendance. Quand dans ton pays un flic te brutalise, comment parler d'indépendance ? Après, ils te brisent moralement, tu n'as plus de dignité. Du coup, les gens ont peur de réclamer leurs droits.» Hamou parle aussi de la corruption qui gangrène le marché de l'emploi : «Il y a des courtiers qui marchandent les contrats d'embauche. Tu verses 20 000 DA, tu as un contrat de 3 ou 6 mois. Si tu veux prolonger, il faut casquer. Il partage son salaire avec toi. Sinon, tu crèves.» Dans ce même registre, Abdelkader Louaïl, figure de proue du Comité national de défense des droits des chômeurs (CNDDC), charge ce qu'il appelle «la mafia de l'emploi». «Il y a un nouvel esclavagisme dans le marché du travail à Hassi R'mel», assène-t-il d'entrée. Selon lui, le taux de chômage reste très élevé dans la région.
«Les chiffres officiels parlent de 10% de taux de chômage, or ici, il dépasse les 50%.» Abdelkader Louaïl souligne que le marché de l'emploi «est miné par le népotisme, le béni-amisme, la corruption et les passe-droits.» Il accable dans la foulée les sociétés de sous-traitance qui se livrent, à en croire, à une nouvelle traite négrière. «On loue des gens aux sociétés étrangères à des prix faramineux et l'on nous jette des clopinettes. Des sociétés prennent 40 millions de centimes par travailleur et elles te paient 2 millions. J'ai vécu cela personnellement. J'ai travaillé comme manœuvre pour une société américaine de géophysique. L'entreprise qui m'a recruté prenait 200 000 DA sur mon dos et me versait 20 000 DA. J'avais un salaire de base de 7500 DA. C'est une nouvelle forme d'esclavage. Ces sociétés exploitent la détresse des gens. Et même si moi je refuse ces conditions indignes, un autre qui souffre de conditions sociales difficiles va les accepter.»
Abdelkader Louaïl relève par ailleurs l'opacité qui entoure les offres d'emploi : «On ne demande pas à l'ANEM de nous trouver du travail. On demande juste que les offres de travail soient affichées publiquement. Il n'y a pas de transparence dans les offres d'emploi. Tout se négocie sous la table. Les listes sont faites sur mesure. Vous avez une société qui a besoin de 40 travailleurs, on déclare 10 postes et les 30 autres sont négociés en catimini.» Enfin, Abdelkader Louaïl n'est guère favorable à l'option d'associer le CNDDC dans l'attribution des postes : «Les autorités nous l'ont proposé, mais nous avons refusé catégoriquement. Le comité ne veut pas être mêlé au recrutement. On ne veut pas être complices de leurs pratiques douteuses. Leurs mains sont tachées d'argent sale.»


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