La déclaration du président du Parlement européen (PE), Josep Borrell, qui s'est montré satisfait de la situation de la presse en Algérie, semble mettre les nerfs en boule au sein du Collectif pour la liberté de la presse en Algérie et notamment de Mme Benchicou. En effet, dans un communiqué adressé au président du PE et parvenu hier à notre rédaction, le Collectif pour la liberté de la presse en Algérie souligne que les déclarations de M. Borrell sont « moins conformes à la résolution sur la liberté de la presse en Algérie, votée le 8 juin 2005 par le Parlement européen ». Le collectif ne semble pas admettre la position de M. Borrell, qui souscrit à la thèse selon laquelle Mohamed Benchicou « ne serait pas emprisonné pour ses écrits, mais pour un autre délit ». Pour battre en brèche cette lecture, et partant l'adhésion de M. Borrell, le collectif rétorque : « Aucune des ONG qui, comme HRW, FIDH, Amnesty International, se sont rendues en Algérie et y ont enquêté, aucun des députés européens qui ont rencontré les autorités et les journalistes algériens, comme Bernadette Bourzai, Hélène Flautre, Adeline Hazan, Francis Wurtz, ou encore Nicole Fontaine, n'ont accepté cette thèse. » Rappelant les journalistes qui sont en prison et les 18 condamnés à la prison ferme, le collectif relève que ces condamnations sont bien des délits de presse, dont le PE demande expressément la dépénalisation. Ainsi, le collectif rappelle l'accord d'association entre l'Algérie et l'Union européenne (UE), notamment l'article 2, stipulant le respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux de l'homme, et l'article 82, qui évoque l'importance attachée par les parties au renforcement de l'Etat de droit. Pour le collectif, le fait que la situation des libertés en Algérie ne soit pas la pire dans la région du Maghreb ne saurait être une raison d'accepter une « dérogation » à ces principes et une « tolérance » vis-à-vis du non-respect des accords signés. Dans ce cas de figure, poursuit le collectif, l'UE perdrait, fortement, sa crédibilité auprès de la société civile en Algérie comme dans les pays européens, où une solidarité active se manifeste avec les journalistes algériens, « harcelés par le pouvoir politique et une justice dépourvue d'indépendance et d'autonomie ». Pour sa part, Mme Benchicou, dans une lettre au vitriol, avoue que la déclaration du président du PE a suscité « colère et déception ». « Je ne m'attendais pas à ce que vous accréditiez la thèse de vos interlocuteurs, désormais mise en faillite par les faits eux-mêmes », dira-t-elle à l'adresse de M. Borrell. Rejetant en bloc l'accusation « des bons de caisse », Mme Benchicou a expliqué l'emprisonnement de son époux par la parution du livre Bouteflika, une imposture algérienne, imprimé et vendu clandestinement, mais aussi par la conférence de presse du ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, au cours de laquelle il avait juré publiquement « de faire payer » Benchicou. « Je ne comprends pas que sous ce prétexte, vous avez occulté la condamnation pour des délits de presse des autres journalistes », a conclu Mme Benchicou à l'attention du président du PE.