L'ancien chef de gouvernement algérien a donné jeudi une conférence aux HEC de Montréal sur «Les difficultés de la construction d'un Etat». Montréal (Canada). De notre correspondant L'ancien chef de gouvernement algérien, Sid Ahmed Ghozali, a fustigé, à partir de Montréal, le système algérien qui n'aurait pas changé, selon lui, depuis l'ère Boumediène. Lors de son passage ce mercredi dernier à l'émission «Rencontres berbères» de Radio Centre-Ville de Montréal, celui qui était chef de gouvernement entre juin 1991 et juillet 1992 a affirmé que «l'Algérie est toujours gérée par le système de Boumediène, mais sans Boumediène, ce qui est pire !» Car du temps de Boumediène, il était clair que c'était lui le chef. A sa mort, on s'est gardé de lui donner un successeur. Ceci permet une gestion occulte du pays : ceux qui dirigent ne sont pas ceux qu'on voit. «Boumediène n'a jamais dit aux Algériens qu'il allait leur ramener la démocratie», a soutenu M. Ghozali. Il assumait la nature dictatoriale de son règne puisqu'il signait au nom du Conseil de la révolution – une façon politiquement correcte de nommer une dictature. «Donc, il n'a pas menti aux Algériens sur le plan constitutionnel et il s'est occupé des problèmes du peuple, qui le lui a bien rendu», affirme Sid Ahmed Ghozali, faisant allusion au président Bouteflika qu'il ne prend pas pour «le problème de l'Algérie, mais un des problèmes du pays». Les promesses de réforme du président algérien ne trouvent aucune grâce aux yeux de l'ancien chef de gouvernement. «La mère des réformes, en Algérie, a été faite en 1989» et le problème réside dans la non-application des lois et des règlements. Il a donné l'exemple de son parti, le Front démocratique, qui est autorisé par la loi mais interdit de facto par le gouvernement. Devant l'animateur de l'émission, Mourad Mahamli, et Aziz Fares, l'ancienne gloire de la Radio algérienne et actuellement animateur à Radio Ville Marie, M. Ghozali a dressé un tableau noir de la situation actuelle des libertés démocratiques en Algérie. Se défendant de faire partie de ce système et d'être de ceux qui ne découvrent l'opposition que lorsqu'ils sont exclus, il a affirmé qu'il a déjà dit ce qu'il pense publiquement du système, dans une lettre de quatre pages après l'assassinat du président Boudiaf. Une lettre qui aurait été boudée par la presse algérienne. Le successeur de Mouloud Hamrouche n'a pas clairement défini le système algérien quand les animateurs le lui ont demandé. Il l'a décrit comme étant l'ensemble des institutions qui gèrent le pays. Il ne l'a pas lié nécessairement aux services de sécurité ou à l'armée. «La réalité du système algérien est l'opposé même des textes qui le définissent (Constitution, lois... ndlr)», a-t-il soutenu. Il lui reproche ce qu'il appelle les trois péchés capitaux : il ne respecte pas ses propres lois, croit à tort qu'une société fonctionne aux ordres comme une armée et enfin travaille dans l'impunité. Ce qui mène obligatoirement à des décisions erronées dans tous les domaines. Celui qui a dirigé Sonatrach entre 1966 et 1977, nommé par Boumediène, trouve que la nature du système algérien lui-même a fini par donner une société, la seule au monde, qui «vit à partir d'une richesses qu'elle ne crée pas». Enfin, pour lui, les erreurs de l'Algérie remonteraient aux choix politiques à l'indépendance. Au lieu d'un système démocratique, les Algériens ont préféré le système du parti unique, car c'était la seule façon de protéger l'indépendance, selon le consensus de l'époque. La responsabilité de ce choix, selon Sid Ahmed Ghozali, est partagée entre tous les Algériens. L'ancien chef de gouvernement algérien a donné jeudi une conférence aux HEC de Montréal sur «Les difficultés de la construction d'un Etat». Elle a été modérée par le professeur en management de la même école, Taïeb Hafsi. Ceci entre dans le cadre de la première Semaine internationale des HEC de Montréal, en collaboration avec la fondation Club Avenir. Le thème retenu est «L'Algérie et sa culture». Vendredi, il a participé, avec Wassyla Tamzali, à une table ronde sur le Printemps arabe, à l'invitation du conseil consultatif international de HEC Montréal.