Vendredi 17 octobre 2012. Quelque part en Espagne, à Cordoue précisément. Actuellement, le cinéma africain y est à l'honneur. Un festival comme parmi tant d'autres. Intéressant. Trois jours auparavant se tenait une table ronde. Toujours intéressant. Le sujet de ce rassemblement : 50 ans de cinéma algérien. Plus ou moins intéressant. Deux cinéastes ont (bien) parlé. Djamil Beloucif, un «jeune», et Merzak Allouache, «l'aîné». Et moi au beau milieu. Beaucoup de mots, de phrases, d'idées se sont entassés dans cette conversation. Deux heures plus tard, la messe était dite. Conclusion : pas d'histoire dans le cinéma algérien…et d'ailleurs, pas forcément de cinéma. Fin de journée, on refait le film. Triste fin, toujours la même question : «Y a-t-il vraiment eu un cinéma algérien ?» Une industrie avec son lot de diffusion (plus de 400 salles de cinéma), de production (entre 5 et 10 films enregistrés tous les ans), de coproduction (nommons délibérément Z du Français Costa-Gavras ou l'Etranger de l'Italien Luchino Visconti) et de cinéphilie (une cinémathèque qui, selon Serge Daney, n'avait pas de leçon à recevoir des autres «maisons cinéma»). Belle nostalgie sur une période que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître. J'en fais partie et j'en ai marre qu'on me ressasse les mêmes tirades. Une période d'âge d'or ? Quantité de films conséquents, certes, mais qualité tellement insuffisante qu'il est impossible d'y voir une unité qui serait nommée «cinéma». Les films produits à cette époque sont des téléfilms de luxe, limités par leurs sempiternelles cadres idéologiques – parfois non assumés – et incapables de faire travailler l'imaginaire du spectateur, avide d'exporter son esprit hors des frontières fennecs. Et c'est là que le bât blesse. Parfois il peut tuer. Que cela soit Chronique des années de braise, L'Opium et le bâton, la série des Inspecteur Tahar, ou bien Echekba en passant par Patrouille à l'est et les Déracinés, toujours la même rengaine, la petite musique qui vint transpercer l'esprit bigarré des décideurs, voyant dans cette entreprise une manière ridicule de réaffirmer l'identité algérienne. Basta ! Il n'y a jamais eu de réappropriation culturelle, juste une grossière erreur d'enfermer encore et toujours l'Algérie dans un communautarisme qui causa des siennes indéfinies. Il faudra attendre Allouache, Tsaki, Zinet, Beloufa, Tolbi, parfois Chouikh pour enfin se vanter d'avoir des films qui parlent à tous les spectateurs (algériens, chinois, togolais, brésiliens…), et qui les accompagneraient dans un beau parcours réflectif. Donc durant la fameuse période de 1962 à 1976 environ, pas de cinéma, juste une télévision grandeur nature. Et maintenant ? Ne parlons pas des années 80 et 90, la migraine prendrait le dessus. Parlons du présent. Que se passe-t-il ? Impression désagréable que rien n'a changé, pire que cela, ça a empiré. Aujourd'hui, les décideurs continuent de subventionner en grande pompe des films aseptisés où le cinéma n'a pas ses entrées (le récent Parfums d'Alger de Rachid Benhadj) ou bien de glorifier les héros d'antan, oubliant que les morts ont besoin qu'on les laisse en paix, au détriment des vivants qui ne veulent qu'une chose : qu'on leur ouvre de nouveau des salles de cinéma, ne serait-ce que pour voir les films de cette trentaine de réalisateurs pertinents (la liste est prête) qui mettent en scène d'autres héros, moins connus, moins moustachus, mais qui ont des choses à dire : le public ! Et cela fait 50 ans qu'on attend ça ! Peut-être qu'il faut encore patienter un autre demi-siècle. Mince, je serais mort !