Du 18 au 25 octobre, un large panorama du cinéma mondial est offert au regard du public indien, à Mumbai, où se déroule le 14e Festival du film (MFF) organisé par l'Academy of Moving Images. A Mumbai, nouveau nom de Bombay, le cinéma se propage comme le feu. Mille films par an. Un foisonnement d'images vertigineuses. Des vies et des rêves sur écran. Rires et tristesse. Tragédie et tendresse. Dès que l'on débarque dans l'immense mégapole indienne, on est frappé, saisi par le souffle du cinéma. Et d'abord, par cette frénésie qui règne autour d'un grand nombre de films (200 de 65 pays, avec 200 000 dollars de prix) sélectionnés au 14e Festival de Mumbai. Pour faire ce travail, la Mami (Academy of moving images) dispose du soutien de quelques riches sponsors, comme Reliance Entertainment, American Express, du gouvernement de l'Etat de Maharashra. Présidé par le prolifique metteur en scène Shyam Benegal, et dirigé depuis sa création par Srinivasan Narayanan, le festival de Mumbai se maintient aujourd'hui dans la sphère des grands festivals de plus haut niveau. On le sait déjà, Mumbai, dans toute son agitation, ses turbulences et ses violences parfois, a assis sa réputation sur ses activités bancaire, industrielle, économique et commerciale. Mais aussi sur ses grands studios de cinéma (Bollywood). Pourtant, quittant chaque année la planète Bollywood, l'équipe de Mami parcourt le monde entier et rapporte d'autres images, d'Australie, d'Amérique, d'Egypte, de Grèce, d'Espagne, de Corée du Sud... Tout en mettant l'accent sur le cinéma indien d'art et essai de grande qualité, dans des sections : Indian Gold consacrée aux jeunes réalisateurs, New Faces Of Indian Cinema, Restored Classics... Chants, danses, rêves et mélodrames : l'usine d'images de Bollywood n'a pas besoin de festival. C'est un festival permanent. Dans la section Restored Classics, on a revu Charulata, le chef-d'œuvre de Satyajit Ray. Son cinéma très élitaire n'est vu qu'au Bengale, à Calcutta, sa ville où il y a vécu et tourné quasiment tous ses films : Pather Panchali, Aparajito, Le salon de musique, La maison et le monde... Charulata se passe en 1879 dans une splendide demeure de Calcutta, où vit un jeune couple. Lui est un très fortuné éditeur et rédacteur en chef d'un hebdo politique (en anglais) The Sentinelle. Totalement absorbé par ses éditoriaux et la gestion du journal, il délaisse sa très belle femme, seule, dans la grande maison. Du matin au soir, elle lit des romans, brode des mouchoirs assise, seule, sur son lit. Charulata ne fait rien d'autre de sa journée, sauf peut-être prendre du thé, jouer au piano, regarder avec ses jumelles la rue et les passants. Le jour où un cousin du mari, un beau jeune homme, féru de littérature aussi, arrive «en vacances» dans la belle maison de Calcutta, Charulata tombe amoureuse. Pas de gestes, juste des regards et des sentiments. Filmé dans une splendide mise en scène, toute en harmonie, témoignant d'une prodigieuse virtuosité technique, Charulata est adapté d'un roman de Rabindranath Tagore et constitue un magnifique portrait d'une femme solitaire, pudique, passionnée et finalement très amoureuse. Comme tous les films de Satyajit Ray, Charulata n'a pas eu l'audience qu'il méritait. Pour que les films de Ray soient seulement vus en Inde, il faut qu'ils soient doublés en bengali, en hindi, en tamoul, en télegu et dans les trente autres langues officielles de l'Inde. Les cinéastes de Bollywood n'ont aucun souci de ce genre, leurs films, avec ou sans paroles, avec ou sans sous-titres, passent partout et s'exportent dans le monde : Afrique orientale, Moyen-Orient, Asie du Sud-Est, et même à Toronto, Sydney, New York ou Londres, où vit une importante diaspora indienne. On apprend aussi que Amithab Bachchan fera le voyage au prochain festival de Marrakech, ramenant avec lui quelques bobines de ses films.