Le 12e festival du film de Mumbai s'est achevé jeudi dernier en primant notamment un beau film turc Majorité de Seren Yuce, portrait d'un adolescent stambouliote, choyé par ses parents et dont le passage à l'âge adulte requiert des rites assez complexes. Mumbai (Inde). De notre envoyé spécial Le 12e Festival du film de Mumbai (MFF), organisé par Mumbai Academy Of Moving Image et Reliance Big Entertainment, a mis l'accent sur un cinéma où l'innovation et l'éclectisme dominent, de l'Inde et du monde entier. On a remarqué deux palpitantes sections indiennes, New Faces in Indian Cinema et Indian Frame, dans lesquelles apparaît le réseau le plus créatif du cinéma indien actuel. Le public du festival ne se précipitait pas sur les productions époustouflantes de Bollywood et ne marchait pas sur les plates-bandes du cinéma à grand spectacle, the dream factory, la fabrique de rêves (plus d'un millier de films par an au bariolage sidérant) mais sur un cinéma de haute tenue, avec des auteurs indiens en puissance, comparable à celui présenté ici de Manoel de Oliveira, Oliver Stone, Rachid Bouchareb ou Ken Loach. En effet, les films indiens de Aparna Sen, Rituparno Gosh, Dev Benegal, Sanjay Nag ou Karen Johar ont suscité de grandes émotions. Le Bengali Rituparno Gosh est incontestablement aujourd'hui le chef de file, la figure emblématique du nouveau cinéma de l'Inde, the quality cinéma. C'est un artiste hanté par l'œuvre de Satyajit Ray, nourri par la meilleure littérature du Bengale. Rituparno Gosh est à la fois scénariste, poète, metteur en scène et acteur. Ses films, tous tournés à Calcutta, ressemblent à sa vie d'esthète brillant, raffiné et sensible. Dans Memories in March, réalisé avec brio par Sanjoy Nag, Rituparno Gosh joue le rôle principal aux côtés de la grande actrice Deepti Naval. C'est un film qui nomme les choses par leur nom et traite de l'homosexualité dans le microcosme artistique de Calcutta. Une mère venue de New Delhi arrive à Calcutta pour récupérer les cendres de son fils victime d'un accident de voiture. C'était un jeune et très brillant décorateur. Il avait quitté New Delhi pour vivre plus librement à Calcutta. Le choc est double pour le mère : la perte d'un fils qu'elle aimait profondément et la découverte d'une partie de sa vie privée qu'elle ignorait totalement et que ses idées traditionnelles et conservatrices ne pouvaient accepter. Mais au fil des jours et des rencontres, peu à peu, la mère surmonte ses préjugés, ses tabous, renonce aux barrières. Une œuvre de haute tension dramatique où se dessinent librement l'âme, la nature, le décor des êtres et de Calcutta. Soudain, l'univers étrange de cette ville tentaculaire devient proche du spectateur. Autre film tourné à Calcutta et qui a fait la même sensation au Festival de Mumbai : Iti Mrinalini, d'Aparna Sen. Une fois de plus, Calcutta, cité mystérieuse et infinie sur les rivages du Gange, est au centre du récit sans doute autobiographique qui raconte les souffrances, les angoisses d'une grande star bengalie vieillissante, hantée par le cauchemar du passage de la célébrité à l'anonymat et qui songe à se suicider. Aparna Sen joue le rôle principal, elle qui a commencé sa carrière de brillante actrice à l'âge de 16 ans dans un film de Styajit Ray. Fortement immergée dans le sujet, quand elle voit qu'une nouvelle génération qui la pousse hors du tapis rouge. Les nouveaux producteurs veulent de nouveaux visages. D'un statut d'idole courtisée, la voici tomber à celui d'une icône déchue. La souffrance est insupportable. Pendant que son histoire se déroule devant nos yeux, on la voit qui écrit ses dernières volontés et prépare les cachets qu'elle veut avaler pour en finir avec la vie. Et pendant ce temps, sous le soleil brûlant de Calcutta, la vie continue. Les films se font dans une ambiance bruyante et heureuse. La rudesse des manières des metteurs en scène qui ont faussé compagnie à l'ex-grande star est, en effet, terriblement blessante, intolérable pour l'actrice qui croit encore en son étoile.