Une étude comparative menée dans trois pays du Maghreb, à savoir l'Algérie, la Tunisie et le Maroc, a démontré que les femmes sont, dans l'ensemble, exclues des organes de direction politique et que leur représentation est plus symbolique que réelle. Les grands axes de cette étude comparative sur la représentation des femmes dans les institutions politiques ont été exposés, hier, par Amine Hartani, professeur à la faculté de droit à Alger, et ce, lors d'un séminaire ayant pour thème « Mode d'accès des femmes aux fonctions électives » et organisé par le Centre d'information et de documentation sur les droits de l'enfant et de la femme (CIDDEF) au siège de l'Institut national de santé publique (INSP). M. Hartani a expliqué que, malgré la progression récente de la présence des femmes dans le champ politique et quelques succès épisodiques, la représentation dans les institutions politiques de la région demeure inégalitaire. De profondes disparités existent entre les pays. Des effets de dégradation se font sentir plus nettement dans un pays par rapport à un autre. Ainsi, sont inexistantes les femmes chef de gouvernement, les femmes ministres sont peu nombreuses, les parlementaires, censées concourir à l'élaboration des décisions de leur pays, demeurent toujours minoritaires dans les instances délibératoires. Peu nombreuses encore sont les candidatures féminines aux élections et les femmes sont quasiment inexistantes dans les comités directeurs des partis. Dans la plupart des cas, l'imposition, par le haut, des femmes dans des structures politiques est une tradition dans les trois pays. Selon l'orateur, il a été constaté que, parfois, non seulement le nombre de femmes exerçant des responsabilités politiques est faible, mais à un moment donné, et pour certains pays, on peut même déceler une régression. L'étude en question fait ressortir que l'Algérie est à la traîne dans ce domaine alors que la Tunisie est en tête de liste. Cette dernière est classée 36 e au niveau international et elle progresse chaque année. Le Maroc est à la 94e position et l'Algérie est classée au 121e rang mondial. Depuis l'indépendance, l'Algérie a connu 31 gouvernements et ce n'est qu'au bout du 9e gouvernement que l'on a enregistré la présence d'une femme, il fallait, encore, attendre des années pour voir d'autres éléments féminins au gouvernement. « Aujourd'hui, il existe trois femmes au gouvernement, c'est très peu et en plus on ne donne aux femmes que des postes modestes et non pas stratégiques... », a soutenu le conférencier qui a, toutefois, trouvé des difficultés pour la réalisation de cette étude. « Le problème de statistiques s'est posé avec acuité, notamment pour l'Algérie. Le comble est que les chiffres que nous avons pu obtenir nous ont été fournis par des instances étrangères et parfois nous étions obligés de retourner à la source, c'est-à-dire au Journal officiel pour la confirmation de nos informations », dira l'orateur qui affirme que le parlement tunisien renferme 43 femmes alors que chez nous il n'en existe que 24. Au niveau du Sénat, la Tunisie a 15 sénatrices, en Algérie il n'y a que 4 femmes au Conseil de la nation. Ce chiffre a été revu malheureusement à la baisse puisque dans la législation précédente il y avait 8 sénatrices. « Nous avons observé un phénomène qui mérite d'être signalé. En Tunisie et au Maroc, il y a une nette progression, en Algérie, on observe une progression puis une régression, un fait que nous n'arrivons pas à expliquer », a souligné M. Hartani. En Tunisie, 10 000 femmes sont chefs d'entreprise, elles ne sont que 3000 en Algérie et près de 6000 au Maroc. Le conférencier fera, en outre, remarquer que si le principe d'égalité, fondement des droits constitutionnels modernes, est inscrit dans les Constitutions maghrébines, les conditions de son application effective et les dispositions institutionnelles n'apparaissent jamais dans ces textes. M. Hartani est en faveur du système des quotas qu'il juge comme étant une technique inéluctable. L'étude, selon M. Hartani, propose également des solutions juridiques alternatives. Les codes électoraux des trois pays ne reconnaissant que les candidats, et ne faisant jamais mention de la responsabilité des partis politiques, il suffirait de mettre ces derniers devant leurs responsabilités. « Ce sont bien ces formations qui sont maîtres, pour chaque élection, des désignations. Des aménagements nécessaires au cadre juridiques régissant le régime électoral et le fonctionnement des partis politiques nationaux sont aisés à réaliser », a soutenu l'orateur. Mme Nadia Aït Zai, présidente du CIDDEF, a relevé que les partis sont les vecteurs de la représentativité, car ce sont eux qui introduisent les femmes au Parlement. Les femmes doivent, selon elle, saisir cette opportunité et adhérer à des formations politiques.