Le 4e Festival international du théâtre de Béjaïa , qui se tiendra jusqu'au lundi 5, porte un intêret particulier à la cause révolutionnaire. La cérémonie d'ouverture s'est déroulée au Congrès de la Soummam. Toute une symbolique. «Le théâtre algérien n'est pas encore sorti de l'abaya de Brecht», a estimé Hamid Allaoui, enseignant à l'université d'Alger, lors du colloque «Théâtre, révolution et engagement», qui se tient au complexe les Hammadites de Tichy, à l'occasion du 4e Festival international du théâtre de Béjaïa. Le metteur en scène et dramaturge autrichien d'origine allemande, Bertolt Brecht, a toujours été une référence pour les animateurs de la scène théâtrale algérienne. «Nous avons besoin d'un théâtre actuel. D'un théâtre vivant. Nous en avons marre des poissons congelés. Marre des pièces chloroformées, mises en boîte et prêtes à consommer. Il faut qu'on se renouvelle ou on disparaît !», a insisté Hamid Allaoui. Selon lui, le théâtre a perdu son rôle d'art leader tant en Algérie que dans le Monde arabe. «Aujourd'hui, ce qui marque ce théâtre et l'enfermement sur soi. Cet art vit sur les souvenirs du passé. Un passé sacralisé. Le Monde arabe a connu des secousses dernièrement. Ont-elles été accompagnées de secousses d'idées dans le théâtre ? Ou va-t-on se limiter à un traitement commercial et superficiel par rapport à ces changements?», s'est-il encore interrogé. Engagement Il a estimé que l'engagement dans le théâtre est le même que dans les autres formes d'expression comme la littérature ou le cinéma. «En tant qu'art populaire, art de communication, le théâtre est tenu d'être plus engagé pour défendre des causes en gardant ses traits esthétiques. Mais l'engagement ne veut pas dire que l'art doit devenir une propagande», a estimé Hamid Alloui. Pour le dramaturge et journaliste Bouziane Benachour, le théâtre algérien est le fils de l'histoire culturelle et spirituelle de la Méditerranée. «Ce théâtre aura le souci de ne pas rester enfermé dans sa patrie d'origine», dit-il, soulignant que la sphère identitaire de cet art est également l'Afrique, le Monde arabe et musulman. «Les premiers animateurs du théâtre se sont fixé un but précis, s'investir dans les formes d'écriture qui se mettaient à l'écoute des grondements révolutionnaires secouant l'humanité toute entière au début du XXe siècle (...) Le théâtre algérien a convoqué l'histoire avec ses événements avérés et ses mythes», a-t-il noté parlant du comédien-messager qui a amplifié l'esprit d'éveil auprès des populations. Il a cité des exemples de pièces qui ont remué les consciences «avant de s'adresser au cœur». Abdelkader Benaza, maître de conférences à la faculté des lettres et des langues de Tlemcen, a, pour sa part, analysé l'adaptation au théâtre de l'œuvre de Tahar Ouettar, Les martyrs reviennent cette semaine, par M'hamed Benguettaf. Un texte qui, selon lui, a une profondeur tant révolutionnaire que politique. «Quand le martyr revient, il demande des comptes», a estimé le conférencier. Pour le comédien Abdelhamid Rabia, qui a pris la parole lors des débats, Ziani Cherif Ayad aurait complètement vidé le texte de Tahar Ouettar de sa substance après l'avoir adopté aux planches. «Il l'a fait pour plaire aux Occidentaux, surtout aux Français», a-t-il affirmé. De la Soummam aux révolutions arabes L'universitaire Djamila Mustapha Zegaïa a, de son côté, fait une brève étude du contenu de deux récentes pièces, Iftiradh ma hadha fialen (Hypothèse de ce qui est réellement arrivé) du Théâtre régional d'Oum El Bouaghi, de Lotfi Bensbaâ et Ali Zaydi, et Al miraat du Théâtre régional de Mascara de Mohamed Farmahdi et Samir Meftah. Des pièces qui se rapprochent dans le traitement «psychologique» des idées du changement, de la révolte et de la soumission. Des pièces inspirées des récentes révoltes populaires dans le Monde arabe contre les dictatures. Le coup d'envoi officiel du colloque scientifique du festival a été donné mercredi matin, sous la pluie, au Musée de la Soummam à Ifri dans la région d'Ouzellagen, là où, en août 1956, s'est déroulé le Congrès de la Soummam. «Nous avons tenu à ce que l'inauguration du colloque se fasse symboliquement ici. Le Congrès de la Soummam était un tournant décisif pour la révolution algérienne. Nous avons choisi le thème “Engagement et révolution'' en raison de la célébration du cinquantième anniversaire de l'indépendance.», a expliqué Omar Fetmouche, commissaire du Festival. En soirée, la grande salle du Théâtre régional de Béjaïa a abrité la générale du spectacle, 1930, de Abdelaziz Yousfi dit Bazou. Cette comédie musicale raconte l'histoire de Belkacem, un truand-justicier de La Casbah d'Alger qui se «venge» des colons, l'année de la célébration du centenaire de l'occupation de l'Algérie par les Français. A minuit, les invités du Festival se sont retrouvés à la place Gueydon pour participer à la levée de l'emblème national pour la célébration du 58e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale.