Malgré l'isolement qui caractérise nombre de petits villages en Algérie, l'exemple de Si Mustapha, village situé à une vingtaine de kilomètres de Boumerdès, est édifiant. Il montre qu'avec la persévérance des acteurs associatifs locaux de petits miracles sont possibles. L'association socioculturelle et son équipe chevronnée multiplient les projets culturels, sportifs et d'insertion au service des jeunes et des femmes. Ce sont des mots très rarement entendus dans la bouche des jeunes. C'est l'objectif premier de l'équipe de l'association : donner goût aux jeunes du village à l'apprentissage, à développer la curiosité. Souvent en échec scolaire et souffrants de problèmes psychologiques divers liés aux lourdes années passées et au séisme de 2003, les jeunes trouvent un espace d'accueil et un lieu d'échanges et de conseils avec l'association Afak. Activités artistiques, accueil d'enfants, projections, théâtre sont au programme toute l'année et en été pour les habitants. « L'association a commencé à exister pour la première fois avec les enfants de Si Mustapha, quand nous avions organisé un camp d'été à Sidi Fredj au profit des enfants victimes du terrorisme », indique Rabah Merchichi, président de l'association. Sans moyens, la poignée d'encadrants de l'époque a fait oublier pendant 15 jours les traumatismes d'une trentaine d'enfants. Les activités se sont diversifiées en prenant en charge d'autres aspects des difficultés du village tels que l'éveil à l'art et au savoir. Une école artistique obtenue à l'arraché L'année dernière a été ouverte, dans le village, une école artistique baptisée Nedjma. Récupéré après de longues et houleuses négociations avec l'APC, un espace appartenant à la mairie a permis d'initier nombre de jeunes à la culture et à la pratique musicale. « Nous avons fait un sit-in devant la mairie pour obtenir gain de cause », précise un encadrant. Rencontres, concerts, expositions ainsi qu'ateliers de musique ont été créés grâce à des professeurs. « Ce projet, monté grâce à un financement de l'Union européenne (UGP), a permis de financer des salaires pour les professeurs et d'obtenir des instruments de musique », indique le directeur de l'école d'art, Sidali Serfati. De ce fait, plusieurs troupes de fanfare ont été montées. « Il est merveilleux que des enfants d'ordinaire violents et agités soient à présent capables de tenir une trompette, un instrument de valeur, entre leurs mains pour en jouer », ajoute Rabah Merchichi. Cet espace a permis d'organiser, par ailleurs, des journées de sensibilisation sur la condition de la femme. « L'année dernière, pour la journée du 8 Mars, (Journée mondiale de la femme), nous avons organisé une exposition des travaux d'une artiste des Beaux-Arts ainsi qu'une présentation des réalisations artisanales des femmes de la région. La fréquentation a été très importante », nous dit-on. Un chalet pour les enfants L'accueil des enfants après l'école est assuré grâce à la construction d'un chalet « Houria », en 2003, mis à leur disposition. Equipé de jeux et de livres, le lieu est ouvert à tous les enfants inscrits. Des animateurs formés grâce à la collaboration de plusieurs associations comme le CISP (une plateforme italienne pour la formation psychologique), et la Société algérienne de recherche en psychologie (SARP) qui a fourni aux animateurs un programme de formation en psychologie de l'enfant, accueillent quotidiennement les enfants pour des activités ludiques. Des sorties sont organisées chaque année, en Kabylie, à Tipaza ainsi qu'à la plage en été. Après une formation d'un an pour acquérir les techniques de la culture des abeilles, une dizaine de femmes travaillant bénévolement pour l'association, disposent d'une exploitation et entretiennent leurs propres ruches. « Comme nous ne pouvions plus donner de salaires, nous avons monté ce projet en guise de rémunération à long terme », précise Rabah Merchichi. Grâce à l'apport financier de la Fondation de France (FDF) et de l'association Partenariat Algérie de Côtes d'Armor (France), ce projet se donne pour but d'autonomiser les femmes en leur permettant d'exercer seules leur métier. « D'ici quelques mois, nous pourrons extraire le miel et le commercialiser », affirme une des bénéficiaires. Début février, l'association a obtenu des terrains après une demande auprès de la direction des forêts. « C'est un grand jour pour nous. Cela fait plus d'un an que nous attendons de pouvoir bénéficier d'un terrain. Cela permettra de pérenniser nos activités et de les diversifier, tout en créant des emplois durables dans la région », ajoute M. Merchichi réjoui. « Cela montre aussi que la réussite de nos projets n'est envisageable que si une volonté politique accompagne notre démarche, ce qui n'est pas toujours le cas », précise-t-il.