A deux ans du centenaire du début de la Grande guerre en août 1914, les grands axes d'une commémoration exceptionnelle, sur plusieurs années, ont déjà été présentés dans un rapport intitulé «Commémorer la Grande guerre (2014-2020) : propositions pour un centenaire international». Lyon De notre correspondant Pourquoi 2014 et pas 2018 ? Pour le rapporteur, la Grande guerre n'est pas une guerre comme les autres. «Son déclenchement marque une rupture, un changement de paradigme qui n'est pas assimilable à une guerre classique», citant le philosophe Marcel Gauchet, pour souligner l'ampleur du choc qui a frappé les sociétés européennes lors du déclenchement de la guerre : «Il suffira de quelques mois de conflit pour que les contemporains mesurent, abasourdis et terrifiés, l'ampleur tellurique des forces qui avaient été déchaînées et la profondeur de l'inconnu dans lequel ils s'étaient jetés». Ainsi, est-il expliqué : «c'est le centenaire de ce basculement tragique, de ce changement de cap de la civilisation européenne qui sera commémoré en 2014». Etabli par la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la Défense et des Anciens combattants et remis à l'ancien président Sarkozy à sa demande en 2011, le rapport trace sur une centaine de pages la feuille de route dans les moindres détails. Les Algériens recensés dans une mémoire numérique Dans un vaste programme qui fait la part belle d'abord aux Alliés de la France, aux territoires ensanglantés, mais aussi à l'Allemagne défaite, on trouvera place pour le souvenir des combattants africains et asiatiques enrôlés dans cette boucherie. D'abord, avec une immense mise en ligne, depuis 2003, de l'intégralité des Journaux des marches et opérations (JMO) de toutes les unités militaires ayant participé à la Première Guerre mondiale, soit près de trois millions et demi de pages numérisées. On recense aujourd'hui environ dix millions de fiches matriculaires conservées au sein des dépôts d'archives. «Ce sont celles des soldats de l'armée active, des mobilisés des classes 1886 à 1900, des engagés volontaires français et étrangers et enfin des populations de l'ex-Empire». Il suffit à n'importe quel Algérien de saisir son nom sur la page Internet www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr pour savoir qui, parmi ses ancêtres, a combattu, ou est mort lors de la guerre entre 1914 et 1918. Le rapport stipule «la France ne manquera pas de rappeler son attachement au souvenir des soldats issus de l'Empire, d'Afrique du Nord, d'Afrique subsaharienne et d'Indochine, dont la contribution et les sacrifices héroïques restent gravés pour toujours au cœur de la relation avec la France ». Ainsi, outre que la ville de Reims pourrait ainsi achever la reconstruction, engagée en 2008, du monument aux héros de l'armée «noire», «la Mosquée de Paris pourrait accueillir le mémorial des combattants d'Afrique du Nord, qu'elle appelle de ses vœux pour rappeler le sacrifice héroïque des musulmans d'Afrique du Nord durant la Grande guerre», projet porté par le recteur de la Mosquée. Le rapporteur croit ainsi bon de rapporter que le centenaire «peut aussi parler à la France plurielle d'aujourd'hui, plus complexe et plus diverse que celle de 1914. Ce souvenir peut constituer le creuset mémoriel dans laquelle la France et les Français d'aujourd'hui peuvent s'enraciner et se reconnaître comme collectivité politique. La Grande guerre rappelle, en effet, l'attachement des territoires ultra-marins aux idéaux de la révolution française, soulignant leur ancrage précoce dans la République». Il ajoute une bribe de paternalisme qui perdure. Parler à la France plurielle d'aujourd'hui Nos lecteurs apprécieront à l'aune de l'histoire de la colonisation. «A l'image des juifs français traditionnellement attachés aux valeurs de la révolution française, les ultra-marins voient dans la république émancipatrice la garante de leurs libertés et d'un ordre juridique et politique juste». Plus concret tout de même ce rappel que «pour les enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants de tirailleurs d'Afrique du Nord ou d'Afrique subsaharienne, la Grande guerre, par le sang versé, est le témoignage éloquent des sacrifices consentis par les populations de l'ex-Empire colonial pour la métropole. Les tombes musulmanes de Notre-Dame-de-Lorette et le souvenir des tirailleurs sénégalais au Chemin des Dames rappellent, pour l'éternité, ce que la République française doit aux populations issues de l'ex-Empire français.» Cela sera un message de réconciliation, aussi, pour les «oubliés» de la Grande guerre : femmes, orphelins, travailleurs étrangers, fusillés «pour l'exemple» de 1914-1915 et mutins de l'année 1917. «Chacun de ces groupes devra trouver sa place dans la vaste fresque mémorielle du Centenaire». La première commémoration par le nouveau président Hollande verra-t-elle un jalon dans cette reconnaissance de la nation française ? Réponse dimanche.