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«Le manque de formation des jeunes médecins rend la prescription automatique» Pr Abdelkader Helali. Directeur général du Centre national de pharmacovigilance et de matériovigilance
- La prescription de médicaments semble n'avoir aucune limite pour certains praticiens. Est-ce là une réalité ? L'usage rationnel de médicaments est bien défini par l'OMS. Il est clair qu'il faut un bon diagnostic avant de prescrire quoi que ce soit. Si, aujourd'hui, l'on assiste à des prescriptions irrationnelles, c'est faute d'un bon diagnostic, d'outils d'exploration, tels que les examens biologiques ou l'imagerie médicale, qui ne sont pas toujours à la disposition du médecin. Il y a quelques années, le diagnostic était vite fait à partir de symptômes cliniques. Actuellement, les jeunes médecins se perdent si ces instruments manquent et le diagnostic est souvent mal établi. Le manque de formation de ces jeunes médecins fait que la prescription devient systématique, alors qu'il a besoin d'un fort soutien scientifique à travers la lecture des revues spécialisées, telles que The New England journal of Medecine, un axe de la recherche et des articles scientifiques validés par les instances internationales. Malheureusement, toute cette littérature est en majorité anglophone et les médecins algériens ne maîtrisent pas la langue anglaise. Pourtant, ces revues coûtent moins cher que les revues françaises. D'autres part, si la prescription des médicaments est ce qu'elle est aujourd'hui, c'est parce que l'accès aux médicaments s'est nettement amélioré, notamment depuis la mise en place du tiers payant par la CNAS. Ainsi, une dynamique de prescription s'est alors installée, car si le médecin ne fait pas consommer, on juge qu'il n'a pas fait son devoir. - Quel est, d'après vous, l'impact sur la santé des malades ?
Il n'y a pas de substance qui ne soit pas un poison. La prescription multiple, de plus de deux médicaments en général, reflète deux choses essentielles : soit le patient souffre de plusieurs maladies à la fois, soit le médecin n'a pas un diagnostic fiable. Le mauvais usage est la résultante de plusieurs paramètres. Le risque est bien clair, c'est l'interaction médicamenteuse, qui peut constituer un danger pour le patient. C'est pourquoi le centre de pharmacovigilance et matériovigilance a mis en place le programme national de promotion de l'usage rationnel des médicaments en Algérie (Purma) au profit de plusieurs médecins généralistes des différentes wilayas du pays depuis 2004. La formation consiste à apprendre aux médecins les instruments de mesure et les indicateurs du bon usage et à s'auto-évaluer par la suite. Car, il faut savoir que l'interaction médicamenteuse peut provoquer une intoxication et même la mort. Ces formations pour le bon usage se font donc en groupe, en organisant des simulations et en suivant les indications et les méthodes définies. Une simulation qui se fait en collaboration d'un pharmacien et d'un médecin, en se projetant dans un jeu de rôles. - Quelle est la situation actuelle en termes de cas de pharmacovigilance déclarés ?
Il doit y avoir beaucoup de cas, mais il y a une sous-notification, car les déclarations ne sont pas faites systématiquement par les médecins. Il y a eu une augmentation en 2011 de 200%, suite aux enquêtes sectorielles faites dans le cadre du Purma réalisées dans certaines wilayas, dont les résultats seront présentés lors de la conférence nationale sur l'usage rationnel du médicament, qui se tiendra du 11 au 14 novembre prochains à Alger. Ces études ont été réalisées à l'aide des méthodes de recherche appliquées reconnues par l'OMS et la communauté scientifique internationale. - Comment peut-on, à votre avis, amener les médecins à prescrire d'une manière rationnelle les médicaments ?
Je pense qu'en tant qu'expert à l'OMS, il est d'abord important que l'Algérie dispose d'une politique pharmaceutique nationale dans tous ses aspects, notamment la sélection des médicaments, leur utilisation, leur remboursement et même leur destruction une fois arrivés à leur péremption. Il est temps de se débarrasser des lobbies sur un produit noble qu'est le médicament afin de définir des recommandations pour la prescription, la gestion, la dispensation, le remboursement, l'approvisionnement et en l'occurrence le droit des malades. La nomenclature actuelle des médicaments comprend plus qu'il n'en faut. Elle contient entre 300 et 400 produits. Nous n'avons que la liste qu'on mérite, vu l'enseignement, les intérêts et les conflits d'intérêts avec l'industrie pharmaceutique, qui ne sont pas malhonnêtes dans le sens d'une conviction acquise par des canaux non scientifiques à travers une lecture, une rencontre, etc. L'enregistrement de médicaments doit obéir à des exigences basées sur les preuves scientifiques, car la médecine est basée sur des preuves. Les experts doivent donc se pencher sur la question et mettre au point tous les éléments nécessaires afin d'aboutir à une prescription rationnelle et participer à l'amélioration de l'efficience des actes prophylactiques et thérapeutiques par l'expertise et l'étude de cas. Il est donc important d'élaborer un guide du médicament, ce qui est l'objectif de la rencontre de demain. Ce guide, qui va tracer un cadre scientifique actualisé pour des soins plus performants et garantis par des médicaments aux coûts abordables à titre individuel ou collectif, sera soumis à l'expertise internationale pour être validé.