Les postulants ont du mal à se loger et découvrent avec stupeur les conditions d'exercice de ce métier dans les zones déshéritées du Sahara. Le recrutement de plus de 700 nouveaux enseignants à travers la wilaya de Ouargla n'a vraisemblablement pas résolu la crise de l'encadrement, quand on sait que manque d'enseignants ne rime pas toujours avec abondance de postes dans certaines filières, comme le français, l'anglais, les mathématiques et la physique, pour ne citer que ces matières phare de l'enseignement général affichant une crise chronique au sud du pays. Les postulants ont du mal à se caser et découvrent avec stupeur les conditions d'exercice de ce métier dans les zones déshéritées du Sahara. Selon des enseignants ayant effectué plusieurs contrats en tant que suppléants, le nombre de postes ouverts par la tutelle reste bien en deçà des besoins, surtout dans la périphérie où le manque est aussi important vu les nombreux cas de désertion de postes dus à la difficulté des conditions de vie et d'exercice du métier. Cette situation pose avec acuité le problème de l'attractivité de l'embauche dans ce secteur vital dans les zones reculées du pays où rien n'est fait pour garantir un minimum de vie décente aux lauréats des concours de recrutement et les nombreux aventuriers à la recherche de postes temporaires qui viennent des quatre coins du pays. Des enseignants auxquels sont miroitées des promesses de logement de fonction ou du moins des célibatoriums décents qui ne sont jamais au rendez-vous, vu la rareté des logements affectés au secteur. Ainsi, alors que les responsables de la direction de l'éducation (DE) de Ouargla reconnaissent la persistance d'un manque d'enseignants au niveau du palier secondaire, vite résorbé, selon eux, par le recours aux listes d'attente laissées sous le coude après le dernier concours de recrutement, le constat des parents d'élèves est sans appel : les écoles déshéritées restent encore dépourvues d'enseignants, car beaucoup d'entre eux refusent de subir les conditions désastreuses en plein désert. Malgré les œillères, l'on reconnaît tout de même à la DE que les zones reculées, telles que la daïra frontalière d'El Borma, souffrent encore du manque d'enseignants, les nouveaux affectés n'ayant pas pris leurs fonctions depuis la rentrée. Des parents d'élèves de la périphérie de Ouargla ou Touggourt, voire d'El Hadjira, soulignent qu'à 45 km d'une grande agglomération, l'on est déjà dans une zone reculée où l'enseignant manque de tout et se sait dans une situation suicidaire, notamment pour ce qui est des filles qui refusent de s'y déplacer évitant ainsi de subir les aléas du transport public, l'insécurité et la rudesse du climat. La réalité du terrain dément explicitement les fausses assurances de l'ex-premier responsable du secteur, Boubekeur Benbouzid, qui promettait de mettre à la disposition des enseignants du Sud des logements. La dignité de l'enseignant est touchée dans son essence, lorsqu'on sait que les nouvelles recrues du secteur, venues pour la plupart du pays, logent dans des bains maures avant de dénicher, non sans peine, un studio ou un appartement avec des prix de loyer oscillant entre 12 000 et 15 000 DA/mois. Cette location n'est pas chose facile, car il faut compter sur l'entremise des autochtones qui se portent garants ou bien être préalablement marié aussi bien à Ouargla qu'à Ghardaïa où les enseignants célibataires ont du mal à se faire accepter sous prétexte que leur comportement déroge souvent aux règles conservatrices de la région. Originaire de Mostaganem, Charaf, enseignant d'arabe à l'école primaire d'Abou Ammar Abdelkafi, au centre-ville de Ghardaïa, a dû se réfugier trois mois durant dans une chambre appartenant à un imam dans une mosquée. Il ne lui était permis de rejoindre sa chambre qu'à la fin de la prière d'el icha après une journée d'errance. Il est actuellement installé dans une salle de l'établissement où il exerce. Salim et Hocine, venus respectivement de Sétif et Skikda, ont pris place dans un dortoir appelé El cheikh qui est la seule destination offrant un prix jugé raisonnable, soit 1000 DA par semaine pour chacun. Ces deux enseignants sont en outre soumis au diktat du propriétaire du dortoir : «Je suis venu à Ghardaïa dans l'espoir de travailler après deux ans collé au mur. Mais en arrivant ici, tous mes rêves d'avoir un logement de fonction se sont volatilisés», nous confie Salim. Azzedine, enseignant de sport venu de Béjaïa pour s'installer dans un chalet destiné aux sinistrés des inondations de 2008 à Oued N'chou (20 km au nord du chef-lieu de la wilaya), a été victime de deux actes de vol qui l'ont délesté de tous ces biens. Lui aussi loue une chambre dans un dortoir du centre-ville, payant 300 DA/nuit.