En dépit de toutes les dénonciations et de toutes les mesures prises pour humaniser le comportement de la police, certains agents continuent de recourir aux brutalités pour arriver à leurs fins. Jeudi dernier, Mourad M'hamed, journaliste du quotidien arabophone El Khabar, a été violemment pris à partie par des policiers dans le but de lui extirper les noms des sources qui lui ont révélé l'information relative aux communiqués du GSPC appelant au recrutement. Tout a commencé, raconte le journaliste, mercredi dernier, lorsque, vers 18h30, son ami a reçu une communication l'informant que la police le recherche. D'autres amis, très inquiets, m'ont appelé pour me dire que la police est à ma recherche. Je n'ai rien compris. J'ai décidé d'aller au commissariat de Dely Ibrahim, où j'ai parlé avec l'officier de permanence, lequel m'a informé qu'il n' y avait aucune décision de recherche à mon encontre. Arrivé à mon quartier, des amis m'ont informé que trois individus à bord d'une 405 m'attendaient devant chez moi. L'un d'eux est sorti de la voiture et me suivait au pas. J'ai eu très peur. J'ai préféré aller vers eux pour leur demander s'ils sont à ma recherche. Ils m'ont répondu qu'ils étaient des vendeurs de véhicules. J'ai insisté en leur affirmant qu'ils ont cherché après mon ami et ils m'ont donné la même réponse... ». Le journaliste prend alors la décision d'aller à la sûreté de daïra de Chéraga, où l'officier lui a bien confirmé qu'aucun avis de recherche ne le concernait, mais en le faisant accompagner par un agent jusqu'au commissariat de Dely Ibrahim, pour éventuellement reconnaître un des policiers qui étaient à sa recherche. « Chassé comme un voyou » Encore une fois, le confrère est rassuré et retrouve même son ami recherché par la police. « Sur le chemin de la maison, je me suis arrêté pour acheter des cigarettes, et c'est alors que quatre individus l'ont interpellé avant de lui mettre des menottes. Je leur ai demandé qui ils étaient, ils m'ont répondu qu'ils faisaient partie de l'Office national de la répression du banditisme (ONRB). J'ai suivi le véhicule jusqu'au commissariat situé à la rue Docteur Saâdane, et c'est là que j'ai appris que mon ami a été interpellé à cause de l'article que j'ai publié sur le GSPC. Je me suis adressé à l'officier, et dès qu'il a su qui j'étais, il m'a traité de tous les noms, en me sommant de quitter les lieux. J'ai été chassé du commissariat comme un vulgaire voyou. » Traumatisé et blessé dans sa dignité, le journaliste se dirige droit vers le commissariat de Hussein Dey, puis au siège de la sûreté de wilaya d'Alger, pour s'enquérir de la situation auprès d'anciens amis policiers. Mais aucun de ces derniers ne semble au courant de cette affaire. « Néanmoins, un des agents m'a informé que toute l'histoire est liée à l'information relative à une note interne de la police, qui met en garde contre le recrutement au sein du GSPC. Les policiers voulaient à tout prix connaître les noms des policiers qui m'ont divulgué le contenu de cette note. Le lendemain, c'est -à-dire jeudi matin, mon ami, interpellé, m'a appelé sur mon téléphone pour lancer SOS. Il me disait sauve-moi, je n'ai aucune responsabilité dans ce que tu as écrit. Je n'ai fait que te faxer un document. Il faut que tu vienne au commissariat leur expliquer cela ». Après cet appel, le journaliste rejoint le commissariat de la rue Docteur Saâdane, à Alger- Centre, où il est reçu avec plus de respect que la veille, y compris par l'officier qui l'avait maltraité. « Ce dernier me demande de lui raconter toute la vérité si je voulais que mon ami soit libéré. Je lui ai dit : de quelle vérité vous voulez parler ? En fait, il voulait que je lui donne les noms des policiers qui m'ont remis les documents ayant permis la rédaction de l'article sur le GSPC. J'ai refusé et c'est alors que l'officier s'est énervé et a commencé à proférer des insultes à mon encontre et surtout des menaces du type, je vais t'envoyer en prison et je donnerai des instructions aux gardiens pour que tu vives l'enfer et après si tu gagnes un prix je m'en fous. L'officier me prend la tête dans sa main et me dit clairement : tu nous balances les noms et on te laisse tranquille. J'ai vraiment peur. J'ai passé le plus mauvais quart d'heure de ma vie. » Un cauchemar Après l'avoir brutalement interrogé, le journaliste est entendu sur procès-verbal, puis dirigé vers une salle où il est resté durant près de deux heures, puis il est revenu au premier bureau. « Il y avait cinq policiers, parmi lesquels une femme qui m'a interrogé une seconde fois. Ils ne cessaient de me répéter que je n'ai pas dit la vérité qu'il fallait qu'ils entendent. Ils perdent leur sang-froid. Ils me posent des questions humiliantes, m'insultent et recourent même à des brutalités physiques, qui m'ont rappelé les scènes de terreur que l'on voit uniquement sur les chaînes de télévision. Ils m'ont menacé de nous mettre en prison, mon ami et moi. J'ai failli perdre connaissance tant la pression et la peur étaient intenses », raconte le journaliste. Ce dernier est sommé d'éteindre son téléphone, après que son responsable, au niveau de la rédaction, l'ait appelé pour s'enquérir de sa situation. Pour en finir avec cet enfer, le confrère a signé le procès-verbal sans même connaître son contenu. Des noms de policiers ont été mis à l'intérieur, pour être certainement accusés d'avoir révélé au journaliste le contenu d'une note interne. « J'ai signé et il m'ont demandé de partir en me remettant une convocation pour aujourd'hui à 8 h, au commissariat de la rue du Docteur Saâdane. Depuis je n'ai pas fermé l'oeil. C'est un véritable cauchemar que j'ai vécu et ma carte professionnelle, confisquée dès le premier jour, ne m'a pas été restituée », note Mourad.