La diaspora algérienne, levier du partenariat algéro-français ? Les diplômés et experts algériens et franco-algériens nombreux à être installés en France ne pourraient-ils pas être un vecteur de ce partenariat «privilégié» algéro-français ? Nombreux sont ceux qui affirment qu'ils sont prêts à mettre leur expertise et leur expérience au service de ce partenariat et du développement de leur pays d'origine, pour peu que l'environnement socioprofessionnel, pour ce faire, s'y prête et que leurs compétences soient reconnues à leur juste et réelle valeur. La question de cette reconnaissance en France mais aussi en Algérie. En voici un exemple. C'est celui du Dr Redha Souilamas, seul Algérien spécialiste de la greffe du poumon. Il s'adresse aux présidents Hollande et Bouteflika. Voici son témoignage. Paris. De notre correspondante Je souhaite que les autorités algériennes mettent ce problème de reconnaissance des compétences algériennes sur la table, à l'occasion du voyage du président Hollande. J'ai mis vingt ans pour arriver au niveau d'expertise et d'expérience où je me retrouve. J'ai coûté de l'argent à l'Algérie pour ma formation, mais aussi à la France, et ce sont les Etats-Unis qui veulent me récupérer, ce qui les intéresse, ce n'est pas que je m'appelle Mohamed ou Pierre, mais mes compétences.» «En Algérie, aucun responsable ne dit aux autorités françaises qu'il y a une élite algérienne qui travaille chez vous, reconnaissez-la. Cette élite peut être un formidable levier de la coopération bilatérale. Nous sommes l'avenir des deux pays, nous avons un pied ici et un pied là-bas.» Le Dr Souilamas est chirurgien des hôpitaux de Paris, spécialisé en chirurgie thoracique et en greffe pulmonaire, docteur en éthique médicale. Il propose que des Algériens de France et des Franco-Algériens soient l'interface du partenariat entre l'Algérie et la France. Nous l'avons rencontré alors qu'il vient d'écrire La Couleur du bistouri (octobre 2012, Naïve Essais). Dans son livre La Couleur du bistouri, le Dr Souilamas raconte l'itinéraire des médecins étrangers dans le milieu médical français : la manière dont ils sont perçus par l'administration et leurs collègues du cru, les péripéties qu'ils vivent pour se former et les barrières qui leur sont imposées pour exercer. Il fait part d'«une main-d'œuvre gratuite dont la formation n'a rien coûté à la France qui est venue compenser le déficit démographique de la population médicale française…» «Ils ont échangé le ‘‘marteau-piqueur ou la truelle contre le bistouri ou le stéthoscope, le mépris, le chantier contre l'hôpital, les travaux publics contre la médecine. Ils peuvent au mieux passer de manœuvre à ouvrier qualifié''. Pas plus.» Et aussi «le mépris avec lequel ils étaient traités les a poussés à viser l'excellence….» «Le passé colonial a laissé des séquelles et la médecine n'y a pas échappé». «J'ai écrit ce livre pour lancer un message à mes collègues et à ceux qui, en face, font le plafond de verre.» «Ce livre est le constat d'une situation qui devrait cesser. Les autorités politiques des deux pays restent muettes. Nous voulons, médecins, scientifiques, chercheurs, économistes, être reconnus pour ce que nous sommes réellement. Il n'y a pas d'étrangers dans les sphères décisionnelles médicales», déplore-t-il. Sa déception vient aussi du fait que son pays d'origine, l'Algérie, lui oppose une fin de non-recevoir. Et il relève des incohérences du système médical algérien. «En Algérie, certains chirurgiens veulent se lancer dans la greffe pulmonaire, alors qu'ils ne savent pas pratiquer les techniques chirurgicales non invasives les plus élémentaires qui permettent d'apporter un diagnostic et un traitement.» Et «des centaines de patients décèdent chaque année, faute d'actes chirurgicaux spécialisés élémentaires, alors que la greffe pulmonaire ne concerne qu'une poignée de patients.» «La greffe est une spécialité de très haut niveau et extrêmement coûteuse, qui ne peut se concevoir et se pratiquer que par des équipes médicales multidisciplinaires et hautement qualifiées. Greffer un patient sans un suivi compétent, c'est le condamner à mort et condamner dans le même temps tous les patients qui auraient pu, avec le même budget, bénéficier d'une chirurgie thoracique de base par des chirurgiens formés dans les règles de l'art.» Il soutient que «beaucoup de malades algériens envoyés à l'étranger pourraient être traités en Algérie par des médecins algériens, préalablement formés selon les normes internationales». A cet effet, il nous affirme qu'il a proposé de venir en Algérie – où l'on connaît ses compétences –, pour monter une formation, les obstacles ont été tels qu'il a dû renoncer à son projet. «Si l'on m'avait permis de le faire, les malades n'auraient pas eu besoin d'aller se faire soigner en Tunisie.» Des malades de l'Est algérien se rendent en Tunisie pour être traités.