Voulant manifester leur «droit» d'avoir le droit de savoir ce qui est advenu de leurs proches en cette Journée internationale des droits de l'homme, les familles de disparus ont dû, hier encore, faire face aux forces de l'ordre venues en nombre les empêcher de se rassembler. Se faire bastonner un jour d'anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme est l'expression même de la nature d'un régime répressif qui ne tolère pas les cris et appels venant de ce passé douloureux et récent des années 1990. Les mères, pères et frères de ces personnes disparues se comptant en milliers (18 000, selon les ONG et près de 7000, selon les chiffres officiels) semblent avoir été condamnés à souffrir de la disparition de leurs proches mais aussi sommés de les oublier. Que des mamans se fassent malmenées devant une institution censée défendre les droits de la personne humaine, en l'occurrence la CNCPPDH, sans qu'aucun de ses membres ne bouge le petit doigt, est significatif de l'état d'incurie de ces institutions qui ont pour seul souci de défendre les droits du pouvoir de disposer des citoyens. «Les familles des disparus font face à de nombreuses violations de leurs droits les plus élémentaires. Leurs droits à la vérité, à la justice, à la liberté d'expression, de réunion, de manifestation sont violés quotidiennement par l'exercice d'une démocratie de façade», lit-on dans un communiqué de SOS Disparus rendu public en cette commémoration de la Journée des droits de l'homme. SOS Disparus précise que «l'article 45 des textes d'application de la charte dite pour la paix et la réconciliation nationale qui stipule qu'aucune poursuite ne peut être engagée, à titre individuel ou collectif, à l'encontre des éléments des forces de défense et de sécurité de la République, toutes composantes confondues, prive toutes les victimes de leur droit à la justice et à la vérité». La chape de plomb qui pèse sur les familles de disparus trouve son essence dans l'article 46 de la même charte qui menace de 3 à 5 années de prison «quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l'Etat, nuire à l'honorabilité des agents qui l'ont dignement servie, ou ternir l'image de l'Algérie sur le plan international…». Les proches des disparus se trouvent donc interdits de manifester, obligés de taire leur douleur au nom d'une infâme loi consacrant la censure et le déni de la vérité. Mais peut-on taire à jamais la mémoire collective ?