Hier, c'était la Journée internationale des personnes disparues, qui coïncide avec le 30 août. Les familles de disparus en Algérie ont saisi cette occasion pour réitérer leur demande de vérité sur la disparition de leurs proches durant la décennie noire. Répondant à l'appel de l'association SOS disparus, une cinquantaine de familles se sont rassemblées hier matin sur la place du 1er Mai, à Alger. Elles ont défié les autorités qui interdisent toute manifestation publique dans la capitale, une mesure imposée arbitrairement depuis la fameuse marche du 14 juin 2004. Malgré l'important dispositif policier mis en place dès la matinée, les familles étaient déterminées à tenir leur rassemblement et elles y ont réussi. Pendant presque une heure et demie, brandissant les portraits de leurs proches et fils, elles scandaient les mots d'ordre chers aux familles de disparus : « Win rahoum ouladna » (où sont nos enfants ?) et « ketalin, kheda'in wa y koulou wataniyin » (assassins et traîtres et ils se disent nationalistes). Cela se passait sous les regards indifférents des passants. « Il n'y a pas pire souffrance que lorsqu'on te prend ton fils et tu ne sais pas s'il est vivant ou mort. C'est révoltant de voir des vieilles femmes sous une chaleur insupportable et en plein mois de Ramadhan », s'indigne un retraité assis sur un banc, un journal à la main. Et d'ajouter : « Je me demande comment notre pays a sombré dans une crise sans fin. Nous n'avons jamais pensé un instant que l'Algérie allait devenir ce qu'elle est maintenant ! » Pourtant, chaque jour qui passe apporte son lot de misères et précipite davantage le pays dans l'incertitude. Les familles de disparus continuent à vivre le calvaire. « Ceux qui veulent nous faire taire se trompent et ne réussiront jamais à barrer la route de la vérité. Nous voulons savoir la vérité, toute la vérité, sur le sort réservé à nos enfants. S'ils sont morts qu'ils nous le disent », tonne une femme de 72 ans, qui a perdu son fils au milieu des années 1990. Les familles de disparus, descendues dans la rue exigent des autorités « un document officiel certifiant la disparition de leurs proches » et de « faire la lumière sur les conditions de leur disparition ainsi que leur sort ». Elles ont demandé par ailleurs l'abrogation de l'article 46 de la charte pour la paix et la réconciliation nationale qui stipule : « Est puni d'un emprisonnement de 3 à 5 ans et d'une amende de 250 000 à 500 000 DA quiconque par ses déclarations, écrits ou tout autre acte utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l'Etat, nuire à l'honorabilité des agents qui l'ont dignement servie, ou ternie l'image de l'Algérie sur le plan international ». Les familles des disparus ont estimé que cet article est destiné « à nous faire taire, mais qu'ils sachent, nous n'allons jamais abandonner notre quête de vérité ». Les manifestants se sont séparés vers 11h30 dans le calme, épuisées par la chaleur et le jeûne. Elles se sont passé le mot pour le rassemblement hebdomadaire de mercredi devant le siège de la Commission nationale consultative de promotion et protection des droits de l'homme. Pour rappel, les associations de familles de disparus et les organisations des droits de l'homme estiment à 18 000 les personnes disparues en Algérie, des chiffres que les autorités contestent. Les associations de familles de disparus ne sont pas toutes d'accord sur les responsables des disparitions ; il y a celles qui pointent du doigt les groupes islamistes armés et d'autres qui mettent en cause les services de sécurité.