Difficile de passer l'hiver sous une tente dans l'indifférence la plus totale. Jeter des familles et des bébés à la rue en plein hiver semble devenu un fait banal dans notre pays. Certains soutiennent que c'est l'un des pires châtiments que l'on puisse infliger à une famille dans son propre pays. Cela vient malheureusement de se passer à Boumerdès, au lieudit Sahel, plus exactement, où une vingtaine de familles, totalisant 90 personnes, dont plusieurs bébés, passent les nuits à la belle étoile depuis presque deux semaines dans l'indifférence quasi générale. Ces familles vivent un véritable drame. Aucune autorité ni organisation ne leur sont venues en aide. Certaines familles, ne trouvant où aller, ont érigé des baraques de fortune devant leur ancienne maison, scellées par l'huissier depuis la soirée du 6 décembre, en exécution d'une décision de justice qui remonte à 1993, précisant que la parcelle qu'elles occupaient appartiendrait à un privé. «J'habite ici depuis plus d'un demi-siècle. Je n'ai jamais cru qu'un jour viendrait où mes enfants et moi serions expulsés de notre habitation comme de vulgaires malfrats», fulmine d'une voix à peine audible Bounès Omar, 47 ans. Pour étayer ses propos, ce père de famille exhibe une liasse de documents attestant que la parcelle en question relève du domaine privé de l'Etat. «La parcelle de 71 ares, objet du litige, et sur laquelle sont érigées plusieurs habitations datant de l'époque coloniale, appartient à l'Etat», lit-on dans un document signé par le directeur des Domaines de la wilaya, le 12 août 2012. «Ce document a été envoyé même au président de la République. Normalement, c'est à l'Etat d'intervenir pour récupérer ces terres. L'affaire devait être réexaminée par la chambre administrative le 9 décembre, mais nous avons été expulsés quatre jours avant», lance Boudjelloul Mohamed, un autre habitant des lieux. Selon lui, le terrain aurait été cédé à l'Agence foncière de Boumerdès pour la réalisation d'un lotissement destiné à la résorption de l'habitat précaire. Il est à rappeler que la loi interdit les expulsions pendant la période hivernale, afin de garantir un minimum de stabilité aux enfants scolarisés. Mais cela n'est, semble-t-il, pas appliqué en Algérie, où les associations de défense des sans-abri estiment à plus de 1000 le nombre de familles expulsées de leur habitation depuis le début de l'année.