Le verdict est tombé hier, quatre à dix ans de prison ferme pour les 14 faussaires d'un réseau de contrefaçon de dinars algériens. Le démantèlement du réseau, en 2009, avait défrayé la chronique par son importance et ses tentacules. Paris. De notre correspondant
Treize faussaires avaient été interpellés le 21 octobre 2009 en France, dont le grand chef, Antoine Alcaraz. Des écoutes téléphoniques avaient révélé une collaboration entre une équipe lyonnaise et une marseillaise en contact avec un faussaire italien jugé par contumace, l'Italie refusant de l'extrader. «C'est la première fois qu'on réalise en France une si grande quantité de fausse monnaie sur du papier fiduciaire authentique», avait déclaré l'avocat général lors de ce procès, où l'Etat algérien était partie civile. Ce procès, à Lyon, qui a duré trois semaines, ne constitue qu'un volet d'une affaire tentaculaire : sur les 44 rouleaux de papier fiduciaire destiné à la Banque centrale algérienne et volés à Marseille en 2006, seuls quatre auraient été utilisés par les accusés. Le 28 septembre 2008, 51 millions de faux dinars algériens avaient été saisis lors d'un contrôle de routine à l'aéroport de Marignane près de Marseille (sud). Quatre mois plus tard, trois des 44 rouleaux de papier fiduciaire avaient été retrouvés dans une imprimerie clandestine de la mafia napolitaine. Les «mules» étaient deux frères d'origine tunisienne qui transportaient dans leur véhicule l'argent litigieux. Jugés sans leur présence, Thierry del Peloso, 46 ans, et Serge Soddu, 52 ans, actuellement en fuite et contre lequel un mandat d'arrêt a été émis, ont écopé des deux plus lourdes peines, à 10 ans de prison ferme. Leur troisième comparse, Jean-Charles Cima, la «tête» du réseau, a été condamné à 8 ans. Un autre mandat d'arrêt a été émis contre l'Italien, Claudio Scalpellini, 6 ans de prison, accusé d'avoir fourni l'encre fluorescente et la numérotation rendant les faux billets indétectables. Antoine Alcaraz, repris de justice lyonnais de 63 ans, a été condamné à 7 ans de détention. Il avait expliqué lors du procès comment il avait «mal tourné» après plusieurs dépôts de bilan de magasins de vêtements. Il avait incriminé dans ses dépositions un trio marseillais comme «têtes» du réseau, puis il était revenu au cours du procès sur ses accusations, terrorisé par des menaces de mort. Deux frères qui avaient accepté de se prêter au réseau de fausse monnaie, alors que leur imprimerie était criblée de dettes, Frédéric et Olivier Dunand, ont été condamnés à 6 ans de prison. «Lyon connection» C'est une affaire tentaculaire. Mafia napolitaine (camorra), faussaires lyonnais, braqueurs marseillais, mules tunisiennes, commanditaires algériens… Un thriller impressionnant. Tout a commencé le 30 novembre 2006 à Marseille, lorsque trois hommes armés dérobent la cargaison d'un chauffeur routier allemand : 22 rouleaux de papier fiduciaire destinés à imprimer 15 millions de coupures de 1000 dinars algériens, soit environ 150 millions d'euros. La police française, malgré l'aide d'Interpol, fait chou blanc. Les malfaiteurs s'évaporent dans la nature pendant deux ans. Treize membres de ces équipes sont interpellés le 21 octobre 2009 dans le sud de la France et à Paris. Parmi eux le «patron» du réseau, Antoine Alcaraz, un repris de justice lyonnais de 63 ans, venu, avec son complice de 29 ans, récupérer plusieurs cartons contenant quelque 8000 planches de six faux billets de 1000 DA. Un quatorzième homme est interpellé un peu plus tard à Marseille. Au fil des auditions, durant lesquelles la plupart des prévenus ont reconnu les faits, il est ressorti que les trois membres de l'équipe marseillaise disposaient du butin du vol de 2006. Mais dans l'incapacité de contrefaire eux-mêmes des billets, ils avaient fait appel au Lyonnais, Antoine Alcaraz, pour la «phase technique de fabrication». Ce procès lyonnais ne constitue qu'un volet d'une affaire tentaculaire. Sur les 44 rouleaux de papier fiduciaire volés à Marseille en 2006, seuls quatre auraient été utilisés par les accusés.