Plus d'une année après les intempéries de l'hiver 2005, des apiculteurs de la haute Kabylie se remettent difficilement des pertes occasionnées par le froid. « Nos ruches, ensevelies pendant des jours sous deux mètres de neige, ont été décimées par le gel. J'ai perdu une quarantaine de ruches », a affirmé M. Ould Braham, président de l'Association des apiculteurs de montagne (APAM), à l'occasion des journées d'information sur l'agriculture de montagne, organisées les 20, 21 et 22 mars dernier à Aïn El Hammam, en célébration de la Journée de l'arbre. Notre interlocuteur s'indigne du fait que « ces pertes n'ont pas été indemnisées par l'Etat, à ce jour ». « Sachant qu'un essaim coûte 2200 DA, vous imaginez l'ampleur des pertes subies par les éleveurs », précise-t-il en soulignant que « l'assurance contractée ne couvre que le vol ou l'incendie des ruches et non les pertes dues aux intempéries ». Mais la dureté du climat ne semble pas décourager la filière apicole. Ainsi, sur les sept communes de la région, le président de l'APAM dit avoir recensé plus de 200 apiculteurs ayant investi, pour la plupart, dans le cadre du Fonds national pour la régulation et le développement de l'agriculture (FNRDA). Aujourd'hui, ce collectif veut, en sus de la production du miel, faire connaître les métiers liés à l'apiculture, comme la production de la gelée royale, la cire d'abeille, les essaims, etc. Selon un responsable de la subdivision des services agricoles de la région de Aïn El Hammam et Iferhounène, le bilan de 2005 a fait ressortir près de 2700 ruches vides (ayant perdu leurs essaims), « pour des raisons climatiques, de manque d'entretien et de négligence dans le traitement sanitaire », explique-t-il, et près de 3900 ruches pleines toujours en activité. Pour sa part, une responsable d'un bureau d'études en agronomie, impliqué dans l'élaboration des études préalables à l'investissement, confirme « l'engouement du citoyen pour l'apiculture dans cette région du fait, explique-t-elle, que c'est une activité moins ardue et pouvant s'adapter au relief montagneux, pour peu qu'on fasse attention et que l'on entretienne les abeilles et les prémunisse contre le gel et les parasites dévastateurs ». Adapter le dispositif Le déclin de l'arboriculture, notamment la cerisaie et la figueraie ayant fait, autrefois la renommée de Aïn El Hammam, Larbaâ Nath Irathen et Tizi Rached, se fait sentir aujourd'hui par le prix de la cerise qui a atteint 500 DA/kg. Pour sa relance, la subdivision agricole note qu' « entre 2001 et 2005, dans le cadre du dispositif du FNRDA, la région a connu une nouvelle plantation de 31 ha d'oliviers, de 19 ha pour le cerisier, alors que le figuier a atteint plus de 6 ha ». Du point de vue des citoyens et des professionnels, « les dispositifs mis en place (FNRDA, ANSEJ ou CNAC) restent difficiles d'accès ». L'exemple de Rachid S., la cinquantaine, qui, après s'être retrouvé au chômage dans les années 1990 suite à la liquidation de l'entreprise publique où il travaillait, affirme avoir « voulu acquérir des vaches dans le cadre des financements de la CNAC. Mais la banque m'a exigé 1 ha de terres par tête en me fixant un minimum de 150 vaches à acheter ou une centaine de brebis ». « Nous sommes en montagne, souligne-t-il, d'où pourrais-je obtenir une telle surface de terre agricole ? » Comme lui, d'autres agriculteurs ont tenu à souligner que « les aides fournies ne sont pas appropriées aux spécificités de la région, vu son relief montagneux et dépourvu d'espaces de pâturage et de possibilité de faire des cultures fourragères. » Un avis partagé par notre interlocutrice agronome qui précise que « communément, il est exigé de l'éleveur de disposer, au minimum, de 1,5 ha dont le tiers doit être irrigué. Ce qui n'est pas à la portée de tout le monde dans cette région qui culmine par endroits à 1200 m. Les gens se ruent sur le bovin, alors que le caprin et l'ovin sont les plus adaptés à la broussaille », souligne-t-elle. « L'élevage du lapin est aussi un créneau ignoré par les gens. Pourtant, même s'il n'est pas consommé par les populations locales, il est très apprécié par la gastronomie algéroise et dans les grandes villes », précise cette agronome en suggérant de penser aussi à la dinde, « un oiseau de basse-cour très résistant aux maladies et au climat et dont la chair est très demandée ». Selon son constat, la filière du lait n'est pas au meilleur de son rendement : « La vache laitière élevée localement, même si elle est de souche étrangère, donne en moyenne 18 l/j, alors qu'au minimum, elle doit en produire une trentaine quotidiennement avec une très bonne alimentation faite de fourrage vert. »