Aucune sentence n'est en mesure de consoler les parents de Chaïma, une écolière d'à peine huit ans assassinée, la semaine passée, dans la localité de Mahelma, à l'ouest d'Alger. Le corps de la fillette a été retrouvé par les éléments de la Gendarmerie nationale non loin du domicile parental, dans un cimetière qui surplombe l'un des quartiers les plus isolés de Mahelma, appelé communément «lotissement de l'oued». La famille s'y est installée depuis quelques années, dans une maison inachevée aux allures de mansarde, qui révèle une situation sociale peu enviable. La famille, qui compte trois enfants en bas âge, vit modestement dans cette maison en parpaings. Le père est vendeur de thé et ne gagne qu'un maigre pécule. Sur les lieux du drame, les citoyens ne semblent pas se remettre de la tragédie. L'atmosphère est lourde, chargée d'émotion, la tristesse se lit sur tous les visages. Un sentiment de totale incompréhension a envahi les habitants. «Pourquoi spécialement Chaïma ?», s'interroge-t-on. Ammi Saïd, un voisin de la famille endeuillée, est très affecté. «Chaïma était une écolière joyeuse, les monstres s'en sont pris à elle, pourquoi ?», fulmine-t-il. Depuis l'enterrement de la petite Chaïma, la maison des Youcefi ne désemplit pas. La mère de Chaïma, la quarantaine, est complètement abattue. Depuis qu'elle a appris la nouvelle, elle est laminée par le chagrin et le désespoir. L'âme en peine, elle déambule tel un spectre, dans la petite cour de la maison, le regard vide, perdue dans ses pensées. Le père de Chaïma, Abderrezak, est incapable de parler. C'est l'oncle de la petite victime, Belkacem, venu à la rescousse, qui accueille les hôtes. En larmes, il lâche : «Nous avons perdu notre chair, mais nous restons d'aplomb.» Et d'ajouter : «Nous avons enterré Chaïma, mais notre deuil ne sera fait que lorsque les assassins seront arrêtés. Nous comptons beaucoup sur le travail des enquêteurs de la gendarmerie.» S'agissant des circonstances de l'enlèvement et de l'assassinat de sa nièce, Belkacem nous confie : «Mon frère a un étal devant la mosquée, où il vend du thé. Quand le thé vient à lui manquer, il envoie quelqu'un chez lui pour en chercher. Chaïma avait pour habitude d'ouvrir la porte afin de remettre les thermos de thé aux personnes envoyées par son père. L'assassin connaissant certainement cette habitude, il en a profité pour se présenter à la maison. Il a frappé à la porte, Chaïma lui a ouvert et c'est là qu'il l'a enlevée.» Belkacem poursuit : «Au bout d'un instant, la mère de Chaïma a entendu les cris de sa fille, le temps qu'elle sorte de la maison pour s'enquérir de la situation, Chaïma avait disparu à la faveur de la nuit.» A proximité de la maison des Youcefi, des jeunes du quartier, choqués, ruminent leur colère : «L'assassin de Chaïma mérite la pendaison !» Aux alentours de l'école primaire Hassiba Ben Bouali où la petite Chaïma était scolarisée, le même sentiment de consternation pouvait se lire sur les visages. Le gardien de l'établissement la connaît bien. «C'était une élève assidue et pleine de vie, je connais même son père, c'est un homme très gentil», dit-il. Les murs de l'école semblent eux aussi marqués par le chagrin ; il règne dans l'établissement un silence accablant, les élèves de l'école viennent de perdre une de leurs camarades, il faudra du temps pour panser leur blessure. D'où la nécessité, selon un parent d'élève rencontré sur place, de prendre en charge les élèves de l'école psychologiquement, du moins ceux de la classe de Chaïma.