Le réseau de jeunes cinéastes palestiniennes «Shashat» a eu droit à un Focus au 6e Festival d'Oran du film arabe (FOFA), qui s'est achevé le 22 décembre 2012. Un réseau constitué d'étudiantes en arts visuels encadrées par le cinéaste Abdelsselam Chahada. Oran De notre envoyé spécial Les petits films projetés à la Cinémathèque d'Oran ont été tournés à Ghaza. Athar Al Jadili aborde dans Inkataât (coupures) la crise de la distribution électrique qui oblige les habitants à adopter de nouveaux réflexes. Dans Kharidj el ittar (hors cadre), Riham Al Ghazali suit à la trace une photographe et une militante politique subissant les attaques de leur entourage en raison de leurs choix politique et professionnel. Enas Ayish s'est intéressée, en 8 minutes, dans Petits pieds, à l'histoire de Alâa, un nain, aimé par les gens du quartier, qui s'est marié avec une fille de «taille normale», sans aucun problème. D'autres films de «la saison» 2012 ont été projetés toujours avec la même tonalité, la même fraîcheur. Un autre regard est jeté sur la société palestinienne, son vécu et ses espoirs. Pas de clichés, pas de discours. Abdessalam Chahada a expliqué toute la difficulté de tourner à Ghaza et en territoire palestinien. «Shashat a été créé, il y a sept ans. Il est dirigé par la cinéaste Alia Arasoughly qui vivait aux Etats-Unis. De retour en Palestine, elle a décidé de donner la voix aux femmes palestiniennes à travers le cinéma. Un cinéma qui ne connaît pas les frontières. Le réseau a permis de faire émerger de jeunes cinéastes. Cette expérience doit continuer pour casser l'isolement et contourner l'occupation et la répression. C'est une expérience qui dépasse les divisions et fédère les Palestiniens», a plaidé Abdessalam Chahada, lors d'un autre débat, organisé par le commissariat du festival et animé par le critique Nabil Hadji, sur la situation actuelle du 7e art palestinien. Il a évoqué les complications pour trouver des financements aux projets cinématographiques. «Les Palestiniens de la Cisjordanie et de Ghaza ne veulent pas de l'argent israélien pour tourner leurs films. Les Palestiniens de l'intérieur, ceux de 1948, ont le droit de le réclamer, car ils payent leurs impôts comme les autres Israéliens. Pour les autres financements, les réalisateurs doivent avoir leur dernier mot et ne pas subir les conditions. Nous avons toujours appelé à la création d'un fonds de soutien au cinéma, pas uniquement arabe, mais palestinien aussi», a expliqué, pour sa part, la cinéaste Boutheïna Cannan Khoury. «Mais au-delà de cela, ce qui nous intéresse est de savoir si les histoires racontées par le cinéma palestinien arrivent au grand public», a soutenu Abdessalam Chahada. Existe-t-il des lignes pour le cinéma palestinien ? «L'art n'a pas de frontières. En tant que Palestiniens, nous voulons transmettre, autant qu'on peut, la réalité de ce que nous vivons. Pour ma part, je plaide pour la liberté totale et pour le respect de l'autre», a répondu Boutheïna Cannan Khoury. Elle a regretté le désintérêt de l'Autorité palestinienne par rapport aux archives. «Nos archives notamment cinématographiques sont livrées aux quatre vents. Nos trésors sont éparpillés entre les pays arabes. Personne n'a demandé à rassembler ces trésors. Notre cause est importante, mais sa mémoire n'est pas sauvegardée», a souligné la réalisatrice de Femmes en conflit, un documentaire sur les détenues palestiniennes. Elle a observé que les Palestiniens respirent «la politique» comme l'air. Cependant, elle a souhaité que le 7e art s'intéresse plus à l'économie ainsi qu'à la société et ses tournements. «Par exemple, nous souffrons en Palestine du drame des crimes d'honneur. Ce problème est rarement évoqué dans notre cinéma (…) La cause palestinienne ne doit pas devenir un fonds de commerce. C'est une cause noble», a-t-elle déclaré. Abdessalam Chahada a dénoncé la division entre Palestiniens (Hamas à Ghaza, OLP à Ramallah). «Nous sommes deux Etats, deux drapeaux, deux ministères de la Culture, deux télévisions. Qu'on arrête de mentir ! Le cinéma doit contribuer à nous unir et à nous réconcilier», a noté Abdessalam Chahada.