Annaba où un hommage lui a été rendu jeudi, au palais des arts et de la culture Mohamed Boudiaf, Layachi Dib, Hamdi Benali, Allaoua Boughamza et Kesri l'ont décapé avec sympathie et émerveillement. Ils avaient été précédés, quelques minutes auparavant, par Driss Boudiba, le directeur de la culture, sans lequel les arts, en général, et la culture, en particulier, seraient restés en hibernation. Durant cette soirée de musique et de chansons malouf, chaque chanteur et musicien a tenu à enrichir de ses souvenirs et anecdotes l'agenda des glossateurs de la vie et de la musique du maître du malouf algérien. C'est que, de tout temps, Mohamed Tahar Fergani n'a jamais hésité à inculquer son savoir et sa passion pour cet aspect de l'art musical dans notre pays à tous ceux qui le côtoient. Il l'a démontré en Algérie et sous d'autres cieux du monde où il est passé. En d'éblouissantes démonstrations, il leur avait offert à voir, à écouter et à apprécier ce qu'est le malouf. Cet artiste s'y est épanoui à partir du début des années 1950 jusqu'à nos jours. Mais, c'est en 1954, à Annaba, que le jeune musicien et chanteur eut à saisir sa chance. Alors qu'il venait d'achever une fête familiale qu'il avait animée à la vieille ville, il fut invité à la zerda de Sidi Benmansour, un des saints hommes de la ville. Il envoûta son monde avec ses belles chansons dont Oualah Men Sittek ya Lilet El Bareh, El Boughi, ya Dalma... A partir de là, il gagna en notoriété pour, au fil des années, se transformer en un mythe édifiant. En quelques mots, Hamdi Benali, accompagné de son violon blanc et d'un orchestre composé de musiciens à la mesure de son talent, a retracé opportunément la biographie de Mohamed Tahar Fergani. Il l'a fait en essayant de donner la version la plus exhaustive. Driss Boudiba a relaté quelques passages de cette biographie de Fergani et de sa musique malouf « El Fergania », comme l'artiste se plaît à la qualifier. Courtoisement, mais fermement, le directeur de la culture de Annaba a fait une litière de tous les clichés qui ont entouré la vie de cet homme. Il faut dire qu'entre Mohamed Tahar Fergani et les autres adeptes du malouf, le conflit de générations est si peu aigu. Même superficielle, une étude musicologique confirmerait la fulgurance du génie ferganiste, mais aussi la longue incubation de ses grandes œuvres. Celles-là même où Fergani a digéré le malouf pour offrir à ceux qui l'écoutent des images et des sensations lyriques uniques en leur genre. Tour à tour, Layachi Dib, Hamdi Benali, Allaoua Bouhamza, Kesri et Salim Fergani ont mis en relief la splendeur de cette musique dans la salle archicomble du palais de la culture et des arts Mohamed Boudiaf à Annaba. Dans un monde du malouf où l'on s'épie et où l'on s'imite, les chanteurs et les musiciens sont demeurés fidèles à leurs goûts, à leurs attirances et à leur nature. C'était comme s'ils devaient faire passer, à travers cette musique, une respiration et un regard, une intime conviction. La leur. Certes, ils ont signé leurs œuvres de notes musicales d'une manière quelque peu nerveuse, mais ce jeudi devant le maître Mohamed Tahar Fergani, ils furent plus lisibles et plus convaincants. Un maître qui, durant plus de 60 ans, a écumé les salles de concerts et les lieux où étaient célébrées les fêtes familiales. C'est plus sûrement son style personnel et naturel et ses interventions qui lui ont valu la reconnaissance de tous, et l'hommage vibrant qui lui a été rendu. En fait, Mohamed Tahar Fergani est différent des autres car sa musique et ses chansons sont irisées de mille couleurs. Il accentue beaucoup le pathos de l'interprétation et cherche constamment à marier le texte de ses chansons à sa propre musique el fergania. Il sait créer une atmosphère qui évite le piège de l'émotion pour permettre à ceux qui l'écoutent de s'abreuver d'un malouf d'une grande pureté. C'est pourquoi, l'on est obligé de dire que Mohamed Tahar Fergani ne peut pas avoir de successeur. Ses œuvres se sont inscrites dans la tradition néoromantique du malouf, et dans l'adoration que lui vouent les mélomanes.