L'émissaire international, Lakhdar Brahimi, doit mener, dès aujourd'hui, en Russie, de nouvelles discussions sur une solution au conflit syrien qui a fait, selon des organisations de défense des droits de l'homme, plus de 45 000 morts et 2 millions de déplacés. Le ministre russe des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, a indiqué hier que cette rencontre servira notamment à «(…) avoir une vue d'ensemble du conflit, avec les points de vue des deux parties». Malgré les divergences profondes qui opposent les différents acteurs impliqués dans le dossier syrien, tout le monde semble s'accorder aujourd'hui sur le fait que le conflit évolue dangereusement et qu'il est maintenant urgent de l'arrêter. La raison ? Alors que les Nations unies ont récemment dénoncé un conflit devenu «ouvertement communautaire», M. Brahimi a estimé lui aussi que les divisions, «au début politiques, prennent désormais une forme affreuse, celle d'affrontements confessionnels». Dans cette perspective, l'ancien chef de la diplomatie algérienne a de nouveau évoqué, jeudi face à la presse, l'accord sur les principes d'une transition en Syrie adopté le 30 juin à Genève par le Groupe d'action sur la Syrie. Pour lui, il y a dans ce texte «suffisamment d'éléments pour négocier une sortie de crise au cours des prochains mois». Les membres de ce groupe divergent toutefois sur l'interprétation de cet accord qui ne contient aucun appel au départ de M. Al Assad. Washington estime qu'il ouvre la voie à l'ère «post-Assad», tandis que Moscou et Pékin affirment qu'il revient aux Syriens de déterminer leur avenir. A l'occasion de sa sortie médiatique, M. Brahimi a démenti, en outre, la mise au point d'un plan de règlement russo-américain, dont la Russie a également nié l'existence. Dans l'attente de savoir sur quoi déboucheront ces nouvelles discussions, l'émissaire international a tout de même appelé à la formation d'un gouvernement de transition doté de pleins pouvoirs avant la tenue d'élections, soulignant que le changement dans le pays, en proie à un conflit meurtrier depuis 21 mois, devait être «réel». Les Russes mettent la pression sur le régime de Damas M. Brahimi, qui n'a encore pas obtenu l'assentiment de Damas ou de l'opposition à une sortie de crise, a assuré qu'il n'avait aucun «projet complet» pour le moment, menaçant toutefois de recourir au Conseil de sécurité de l'ONU, jusqu'à présent paralysé par les veto russe et chinois à toute résolution condamnant Damas. Les Syriens réclament «un changement réel et tout le monde comprend ce que cela veut dire», a affirmé M. Brahimi, sans évoquer le sort de M. Al Assad. Et justement par rapport à cette question, l'opposition syrienne s'est dite ouverte à la proposition de l'émissaire onusien si en sont exclus «la famille Assad et ceux qui ont fait du mal au peuple syrien». C'est d'ailleurs la raison pour laquelle que Moscou estime «les chances d'aboutir à une transition négociée s'amenuisent». Les deux parties continuent en effet de camper sur leurs positions et refusent de faire les concessions nécessaires à l'amorce d'un dialogue. Malgré cela, la Russie a pressé hier le président Bachar Al Assad de dialoguer avec l'opposition et multiplie les contacts avec tous les acteurs de ce dossier. «Nous avons activement incité, comme nous le faisons depuis des mois, le régime syrien à faire le maximum pour concrétiser ses intentions de dialoguer avec l'opposition», a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, lors d'une conférence de presse à l'issue d'une rencontre avec son homologue égyptien, Mohamed Amr. M. Lavrov répondait à une question sur sa rencontre la veille à Moscou avec une délégation syrienne dirigée par le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Fayçal Mokdad. Le chef de la diplomatie russe a également déclaré que Moscou refusait toujours de soutenir les appels de certains pays à la démission de M. Assad, réaffirmant que cette question revenait au peuple syrien. Plus tôt dans la journée, un vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, a indiqué à l'agence Ria Novosti que Moscou avait envoyé une invitation au chef de la Coalition de l'opposition syrienne, Moaz El Khatib, afin de participer à des négociations en vue d'un règlement du conflit. Au regard de tous ces efforts, la balle semble maintenant être dans le camp des Occidentaux et des monarchies du Golfe qui ont le pouvoir d'infléchir la position de l'opposition et de convaincre celle-ci d'aller dans le sens de l'accord conclu l'été dernier à Genève par le Groupe d'action sur la Syrie. Le tout est de savoir si tout ce beau monde veut vraiment un règlement rapide de la crise.