L'âge est-il un critère en football (on parle de la catégorie seniors) ? En Algérie, c'est un débat sans fin. Sous d'autres cieux, c'en n'est pas un du tout plus particulièrement en Angleterre, le berceau du football, où les gens ne s'attardent pas du tout sur la date de naissance du joueur. Le rendement et la performance sont les seuls critères qui sont pris en considération au moment de constituer un groupe ou former une équipe. Qu'en est-il de cette question en Algérie ? Combien sont-ils les joueurs dont l'âge varie entre 33 et 40 ans qui jouent encore en professionnel ? Une rapide lecture des effectifs des clubs des Ligues I et II indique qu'ils sont 20. Dix-huit en Ligue 1 et deux en Ligue 2. Un des deux footballeurs de Ligue 2 qui fait partie de cette liste est en fait le doyen des footballeurs en activité. Il s'agit de Merouane Kial, le gardien du MO Constantine, qui, à 40 ans, continue d'arpenter les terrains d'Algérie. Le second pensionnaire de Ligue 2 qui n'a pas l'âge de ses artères, c'est Lounès Gaouaoui, le keeper de l'AS Khroub qui, à 35 ans, continue de jouer et... bien. Le dénominateur commun de ces deux footballeurs, en plus d'avoir plus de 33 ans, c'est qu'ils jouent au même poste : gardien de but. Dans cette sélection, l'on recense 6 portiers. La longévité à ce poste n'est pas particulière à l'Algérie. De par le monde, c'est souvent dans les rangs des gardiens de but où les joueurs qui jouent au football à plus de 30 ans sont nombreux. Quel est le «secret» de cette longévité ? Du cadet, Nabil Hemani (CS Constantine), au plus âgé, Merouane Kial, (MO Constantine), de cette «sélection», tous se rejoignent sur trois critères cardinaux sur lesquels se fonde leur présence au haut niveau : le travail, le sérieux et l'hygiène de vie. Lounès Gaouaoui dit à ce sujet : «Un footballeur qui veut ‘‘durer'' très longtemps doit impérativement s'astreindre à des règles immuables qui fondent une grande carrière, à savoir le travail et l'hygiène de vie. Se donner au maximum aux entraînements, avoir un mode de vie conforme au métier qu'on exerce, c'est le minimum. J'avoue que j'ai eu la chance de passer par un club comme la JS Kabylie, où la notion de travail a un sens. Si aujourd'hui je suis encore là, c'est grâce au colossal travail que j'ai fait depuis mes débuts à l'école de football de Draâ Ben Khedda et ensuite à la JSK et dans les clubs où j'ai successivement évolué. Sans oublier mon passage en équipe nationale où j'ai forgé ma mentalité de compétiteur. J'ai la conviction de pouvoir jouer encore longtemps. J'arrêterai le football le jour où mon corps ne répondra plus.» Il compte une cinquantaine de sélections et dit à ce sujet : «J'ai contribué à la qualification à la Coupe du monde 2010, au même titre que mes coéquipiers, et au final je n'ai pas pris part à un seul match en Afrique du Sud. C'est un des regrets de ma carrière.» Sur la polémique qui entoure la sélection de M'bolhi en prévision de la CAN-2013, l'ex-gardien des Verts avoue : «Je suis totalement d'accord avec ce qu'a dit Chaouchi (gardien du MC Alger). Le titulaire du poste (M'bolhi) ne devait pas être retenu. Il n'a pas joué une minute avec son club.» Son ancien camarade en équipe nationale, Samir Zaoui (ASO Chlef), abonde dans le même sens et déclare : «Chez nous, le problème d'âge est faussé par la mentalité, les a priori, les remarques blessantes et le (mauvais) regard que des gens posent sur un joueur qui a dépassé la trentaine. Il faut être fort de caractère pour ‘‘encaisser'' toutes les mauvaises choses qui se disent sur les joueurs âgés. Mon moteur, c'est le mental. J'évacue le mauvais débat qui entoure cette question pour me consacrer uniquement sur mon travail, la préparation et la poursuite de ma carrière. Les jeunes nous donnent l'occasion de jouer encore. Ils ne font pas tous les sacrifices qu'exige ce dur et difficile métier. Moi, je ne m'absente jamais aux entraînements, je prends part à toutes les rencontres sauf si je suis blessé ou suspendu. Je prends soin de mon corps pour durer.» Celui qui a fait partie de la sélection de 2003 (à l'époque de Georges Leekens) à 2010 compte 22 sélections. Il a débuté sa carrière à Aïn Boucif (benjamins) et a débuté en seniors à l'âge de 17 ans (surclassement) et fut capitaine d'équipe en seniors à 19 ans. Les gardiens de but à l'honneur Présentement, ils sont 20 joueurs au total dont l'âge varie entre 33 et 40 ans qui sont détenteurs d'une licence pro. 18 de Ligue I et 2 (Merouane Kial - MO Constantine - et Lounès Gaouaoui - ASKhroub) de Ligue II. Ce dernier est le vétéran des footballeurs professionnels encore en activité. Son poste, gardien de but, a un grand rapport avec sa longévité, nonobstant le travail quotidien auquel il se soumet depuis des années. Son arrivée au MOC en début de saison était tout sauf une voie de garage dans la mesure où le Mouloudia de Constantine ambitionnait de jouer l'accession. C'est la raison pour laquelle ce gardien chevronné a été recruté. Les problèmes d'ordre financier et interne ont mis à mal cet objectif, sans pour autant remettre en cause le talent et la valeur de Merouane qui reste un exemple pour les futures générations de keepers. Dans ce cercle des joueurs de plus de 33 ans qui foulent encore le gazon (naturel et artificiel), on dénombre 6 gardiens de but, à savoir Mohamed Ghalem (ASO - 35 ans), Mohamed Seghir Ferradji (CSC - 37 ans), Mohamed Hicham Mezaïr (MCO - 36 ans), Merouane Kial (MOC - 40 ans), Nassim Ousserir (CRB - 34 ans) et Lounès Gaouaoui (ASK - 35 ans). Trois d'entre eux (Mezaïr, Ousserir et Gaouaoui) ont été des internationaux. Lounès Gaouaoui a pratiquement fait toute la campagne des éliminatoires de la CAN-2010 et de la Coupe du monde 2010 comme titulaire, mais sans jouer un match lors des deux tournois. A 35 ans, Lounès ne compte pas raccrocher les crampons : «Je ne m'interroge pas sur mon âge pour savoir si je dois continuer ou arrêter ma carrière. Tant que l'envie et la passion sont là et intactes, je continuerai à jouer. Mon physique ne me pose aucun problème. Mon moral est au top. Comme tous les autres joueurs qui sont dans la même situation que moi, je récolte les fruits de mon travail accompli durant de longues saisons. Je me suis toujours entraîné comme un forçat. J'ai eu une hygiène de vie irréprochable. Ce sont, je crois, les deux secrets pour réaliser une grande et longue carrière de footballeur.» Son avis est partagé par trois de ses anciens coéquipiers à la JS Kabylie : Brahim Zafour (JSMB - 35 ans), Farouk Belkaïd (ESS - 35 ans) et Lounès Bendahmane (CABBA - 35 ans). Le premier estime que «pour faire une longue carrière, il faut travailler sérieusement tout au long des saisons. En Algérie, dès qu'un joueur atteint la trentaine, on commence à le moquer et évoquer sa retraite. Ailleurs, c'est l'âge où le footballeur de haut niveau s'affirme, se bonifie et apporte un plus grâce à son expérience. C'est la mentalité qui doit changer.» Il rejoint ce que dit Samir Zaoui (ASO Chlef). Lounès Bendahmane (CABBA) affirme : «Pour se maintenir le plus longtemps possible, un footballeur doit obligatoirement travailler au début de sa carrière. Lorsqu'il prend l'habitude de se donner à fond quotidiennement à l'entraînement, il ne trichera plus pendant sa carrière. C'est essentiel pour durer dans ce métier. C'est la base. Vient ensuite l'hygiène de vie, c'est-à-dire savoir quoi manger, quand, bien récupérer des efforts fournis en match ou à l'entraînement. Tout cela je l'ai appris à la JS Kabylie au début de ma carrière. La seule chose qui peut empêcher un joueur de poursuivre sa carrière au-delà de la trentaine, ce sont les blessures. Autrement, un footballeur peut jouer jusqu'à 40 ans sans problème. Je parle bien sûr de l'Algérie.» Lounès continue de promener sa silhouette sur les terrains avec aisance et élégance. Son coup de pied demeure le cauchemar des gardiens et défenseurs. Farouk Belkaïd (ES Sétif - 35 ans) est la preuve qu'un joueur n'est pas fini lorsqu'il dépasse le cap des 33 ans. Il a relancé sa carrière à Sétif alors que beaucoup pensaient qu'il était fini après son passage à l'USM Alger et au MC Alger. Dans les Hauts-Plateaux, Farouk s'est métamorphosé au contact d'un club mythique, où le travail a un sens. «Lors des tests de vitesse, je termine régulièrement parmi les 3 premiers. Je peux encore jouer de nombreuses saisons. Ma mentalité est pour beaucoup dans ma longévité. J'ai été préparé à la carrière de footballeur depuis mon début à la JS Bordj Menaïel. On m'a inculqué les notions de travail et de sérieux. Benzekri m'a titularisé alors que j'étais très jeune (17 ans). A la JS Kabylie, j'ai trouvé un cadre approprié pour réaliser une grande carrière. C'est un club pro. Les entraînements étaient plus durs qu'aujourd'hui. Je ne me suis jamais absenté lors des séances d'entraînement. J'ai toujours travaillé dans la joie. A présent, on travaille plus léger à l'entraînement, on souffre moins. Je ne me suis pas fixé une limite pour raccrocher. Je me sens encore jeune et en forme. Seule l'envie ou pas peut freiner l'ambition. L'âge n'a rien à voir. J'ai toujours eu une mentalité de gagneur pour aller toujours plus haut», a-t-il déclaré. Les blessures, ennemies de la longévité Amar Ammour (CRB - 36 ans) est en phase avec ce que dit Belkaïd. «Ceux qui durent le plus longtemps sont les joueurs qui ont travaillé durement étant jeunes et qui ont une hygiène de vie irréprochable. Le football est un métier très dur et très exigeant. Le temps de repos et de récupération est essentiel, tout comme la nourriture et le poids qu'il faut toujours surveiller. Les blessures sont un obstacle majeur pour la longévité d'une carrière. J'ai subi une opération des ligaments croisés en 2005 et je suis revenu à mon niveau grâce, justement, au sérieux affiché tout au long de ma carrière. Un joueur comme Mounir Zeghdoud, ex-USMA, a subi 3 opérations et il est à chaque fois revenu à son niveau. Il a joué jusqu'à 37 ans. Tout cela n'aurait pas été possible sans le sérieux dans le travail. A 36 ans, bien sûr que je réfléchis à la sortie. A un moment donné, il faut savoir s'arrêter et partir en bonne santé. Le corps humain est une machine et il faut l'écouter attentivement et décoder les signes. Les jeunes d'aujourd'hui ont une autre mentalité et cherchent à aller très vite. S'ils veulent durer et aller très loin, ils doivent travailler durement.» Mohamed Seghir Ferradji (CSC - 37 ans) pense que le poste (spécifique de gardien de but) nécessite quelques aspects différents que ceux des autres compartiments : «Le travail, le sérieux et l'hygiène de vie, mais aussi et surtout le mental sont les ingrédients d'une longue carrière. Un gardien peut aller jusqu'à 42 ans si des pépins physiques, blessures ne viennent pas le perturber. Tous les joueurs qui ont dépassé la trentaine vous diront que pour se maintenir au plus haut niveau, il faut avoir très bien travaillé étant jeunes et ensuite avoir une hygiène de vie irréprochable.» Travailler jeune, le véritable secret L'attaquant de l'USM Alger, Nouredine Deham, continue de payer de sa personne sur le terrain au poste spécifique d'avant-centre. A 35 ans, Nouredine continue de claquer des buts et faire des misères aux défenses, à la grande joie et satisfaction de ses coaches, partenaires et supporters usmistes. Selon lui, «le secret d'une longue carrière se fonde sur quelques principes immuables que sont le sérieux, le travail, la récupération, l'hygiène de vie et l'envie de se maintenir. Le football a toujours été ma passion et ma vie. J'ai subi deux graves blessures et à chaque fois je suis revenu. Je suis fier de ma carrière. Je l'ai accomplie dans une période difficile. Et, aujourd'hui, lorsque je me réveille le matin, j'éprouve du plaisir à partir à l'entraînement. Le football est un métier et une passion. Pour réussir, il faut faire beaucoup de sacrifices. Aujourd'hui, la nouvelle génération a plus de chance. Elle travaille dans de bonnes conditions, le staff technique de l'équipe nationale lui accorde beaucoup d'intérêt. Elle doit saisir sa chance. Le conseil que je donne aux jeunes, c'est de travailler durement et sérieusement. En Algérie, les gens sont parfois très durs et s'attachent trop à l'âge. Ils font fausse route. Un joueur, il faut le juger sur son rendement et ses performances et non pas sur sa date de naissance.» Anouar Boudjakdji (36 ans) et son camarade de club (WA Tlemcen), Rabie Belgheri (35 ans), donnent l'exemple au sein du Widad qui lutte pour éviter la relégation. Ils payent de leur personne sur le terrain. Tout comme Réda Babouche (33 ans), Abdelkader Besseghier (34 ans) et Karim Ghazi (33 ans) qui sont les plus réguliers au sein du MC Alger, alors qu'ils sont les plus âgés dans les rangs du Doyen. Les «anciens» vous saluent bien !