Les taxis collectifs intercommunaux et interwilayas appliqueront un tarif fixé à 3 DA/km, alors qu'il était de 2 DA/km. Mais l'Etat, en particulier le ministère des Transports, semble occulter la notion de service public, alors que c'est l'une de ses missions principales. Un tour à la station de taxis interwilayas de Kharrouba permet de mettre en relief le déphasage existant entre le discours officiel et la réalité du secteur. Cette station, qui rime avec saleté, poussière, où les abribus servent d'urinoirs aux voyageurs qui ne trouvent pas leur aise dans les toilettes publiques, envahies d'odeurs nauséabondes. Tous les microbes se concentrent dans un petit espace dépourvu de toute végétation. Les taxis, alignés selon les destinations, ne répondent là aussi à aucune condition d'hygiène ou de confort. A l'intérieur, les housses sont déchirées, quand ce ne sont pas les sièges. Il faut imaginer les pauvres voyageurs qui parcourent des centaines de kilomètres serrés les uns aux autres. Les taxis, pour la plupart âgés d'une quinzaine d'années, sont devenus des cercueils mobiles. Accidentés en majorité, ils roulent sur les routes et autoroutes d'une manière aléatoire. Imposer de nouveaux tarifs aux voyageurs sans se soucier de leur sécurité traduit le laxisme effarant du ministère des Transports. Une tarification injuste «Les nouveaux prix seront appliqués dans une dizaine de jours», affirme un membre de l'Union nationale des chauffeurs de taxi algériens (Uncat). «Mais la nouvelle tarification n'arrange ni les voyageurs ni les transporteurs. Les nouveaux tarifs risquent de créer des déséquilibres», selon des transporteurs. «Nous n'avons jamais demandé des augmentations de 200, 300 ou 400 DA. Notre seule revendication était de revoir intelligemment les prix, sans que le citoyen soit pénalisé. Nous ne comprenons pas la tutelle qui décide du jour au lendemain une telle option», ajoute un syndicaliste. De leur côté, les chauffeurs de taxi craignent la désertion des voyageurs habitués à les solliciter. «Je vois cette nouvelle tarification comme une sanction», affirme un chauffeur assurant la ligne Alger-Tizi Ouzou. D'un coût de 200 DA, le nouveau prix sur cette ligne sera de 300 DA. «Nous étions favorables à une augmentation de 20, 30, au maximum 35 DA. Nous n'avons jamais demandé une augmentation de 100 DA. Il faut savoir que ce sont des familles entières qui voyagent, quand ce ne sont pas des groupes. Comment fera un père de famille pour voyager une fois ces prix appliqués ? Il préférera rester chez lui au lieu de rendre visite à ses parents restés au village. C'est injuste ! Cette nouvelle tarification pénalise en réalité les chauffeurs de taxi», lâche-t-il, amer. «Je pense que l'Etat, pour booster la fréquentation des trains et des avions, condamne les chauffeurs de taxi et vole leur clientèle», ajoute-t-il, tout en prévoyant «la fin d'un métier». Les chauffeurs de taxi qui desservent les villes du Sud sont encore plus inquiets. L'un d'entre eux, activant sur la ligne Alger-Laghouat, pense déjà à vendre son véhicule. «Bezaf ! (c'est trop) On comprend plus et on ne sait plus. Soit ils apportent des solutions logiques et réalistes, soit ils déguerpissent et déposent leur démission. Ils sont tellement incompétents. Ils croient arranger la situation, mais elle est pire que dans le passé. Ces responsables ont-ils une fois emprunté le trajet entre la capitale et les autres villes, ou se contentent-ils uniquement de prendre les avions et les hélicoptères ?», tonne un chauffeur. En sortant de la gare de Kharrouba pour prendre le bus à destination d'Alger-Centre, ce sont autant de véhicules vétustes qui prennent le relais. Une fois à l'intérieur, l'on constate que ces moyens de transport sont de véritables dangers pour la population ; en témoignent les freins défectueux et les excès de vitesse. Les passagers disent subir le diktat des transporteurs qui ne les respectent pas. Ils pensent aussi que l'Etat les abandonne.