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L' Arbitraire au cœur du système
Publié dans El Watan le 08 - 04 - 2006

La terreur d'Etat, les liquidations physiques, la torture, les enlèvements, les déportations et le quadrillage de la société par des appareils répressifs furent autant de méthodes et d'instruments redoutables utilisés par les hommes du régime pour asseoir ou consolider leur pouvoir.
Bien qu'intensifié après l'indépendance, l'usage de ces pratiques s'inscrit dans une sinistre tradition qui trouve ses racines dans la guerre de Libération nationale. L'assassinat de Ramdane Abane en 1957 en est la parfaite illustration. « Les conditions de la naissance du régime algérien en expliquent la nature », a noté, à juste titre, l'historien Mohamed Harbi dans son livre L'Algérie et son destin (Médias associés 1994). Si l'on se contente de la période poste-indépendance, les assassinats politiques ont commencé aussitôt Ben Bella intronisé à la tête de l'Etat par l'armée des frontières. Mohamed Khemisti, ministre des Affaires étrangères de Ben Bella, a été assassiné le 11 avril 1963. Interrogé, le premier président de l'Algérie indépendante - Ben Bella - a avancé la thèse « d'un crime passionnel dont l'auteur est un malade mental ». Réagissant à ces « révélations », le neveu du défunt a accusé, pour sa part, un certain Zenati qui serait, selon lui, en vie et jouit de toutes ses facultés mentales. « Il aurait agi à l'instigation des services égyptiens », a-t-il écrit dans une lettre publiée par El Watan. Cependant, les coups d'Etat de 1965 (réussi par Boumediene) et de 1967 (raté par le colonel Tahar Zbiri) ont installé l'Algérie dans une véritable terreur d'Etat. Cette période a vu la prolifération rapide de services de renseignement et de brigades spéciales. Une atmosphère de peur et de suspicion régnait dans tout le pays et personne, dans la classe politique et dans la société, n'échappait à la surveillance policière. Le plus terrible des appareils fut la Sécurité militaire. « N'échappait à son contrôle que les membres du groupe d'Oujda qui disposait d'un pouvoir politique véritable », écrit Mohamed Harbi. Toutefois, poursuit-il, « la répression contre les adversaires du régime ne doit pas être évaluée seulement en fonction de son degré d'intensité, comme on a tendance à le faire, mais aussi de ses méthodes ». Près d'une année après l'assassinat de Khemisti, le colonel Chabani, ancien chef de la Wilaya VI, a été exécuté, selon divers témoignages, le 3 septembre 1964, à l'intérieur d'une prison oranaise après une parodie de procès. Avant sa mort, il a créé, avec Hocine Aït Ahmed, le Comité national de défense de la révolution. Puis vint le tour de Mohamed Khider, qui a été assassiné le 4 janvier 1967 à Madrid (Espagne). Khider, selon de nombreuses sources, avait l'intention de proclamer un gouvernement algérien en exil. Ce projet avait scellé définitivement son sort. « Là encore, le crime est signé. La police espagnole a fait également son boulot et comme la famille de Mohamed Khider s'était constituée partie civile, les autorités judiciaires étaient parvenues à des conclusions accablantes pour le pouvoir algérien. On sait que c'est devant son domicile, dans sa voiture, en présence de sa femme que le malheureux Khider a été criblé de balles. Le tueur est promptement identifié : il s'agit de Youcef Dakhmouche. Il était téléguidé par les services secrets algériens », a souligné Hocine Aït Ahmed dans un témoignage recueilli par Salah Eddine Sidhoum. Néanmoins, le neveu de Dakhmouche a qualifié ces accusations de « contrevérités et de propos calomnieux ». Moins de quatre mois plus tard, le 16 décembre 1964, le colonel Saïd Abid, chef de la première Région militaire, s'est « suicidé » dans son quartier général à Blida. Le témoignage de Tahar Zbiri (recueilli par le docteur Sidhoum) est accablant : « Le 14 décembre, à 9h du soir, alors que je me trouve dans les environs de Blida, le commandant Saïd Abid, qui venait de refuser catégoriquement par téléphone à Boumediene d'engager une partie de ses unités contre celles qui marchaient sur Blida, est trouvé mort dans son bureau. La nouvelle et la thèse officielle du suicide ne seront divulguées que trois jours plus tard. » Tout comme Saïd Abid, Ahmed Medeghri, ancien ministre de l'Intérieur, a trouvé la mort dans les mêmes conditions. La version officielle avait conclu à un suicide. Cette thèse n'a aucunement convaincu l'opposition. Au mois de janvier 1968, le colonel Abbès a trouvé la mort, de façon mystérieuse, sur la route de Cherchell. Krim Belkacem, ministre des Affaires étrangères du GPRA et signataire des accords d'Evian, a été étranglé dans un hôtel de Francfort (Allemagne). « Le forfait ne pouvait être perpétré que par un familier de la victime », a estimé Hocine Aït Ahmed. « La police allemande avait fait son travail ; les tueurs lui avaient d'ailleurs facilité la tâche. N'avaient-ils pas laissé des documents compromettants dans une serviette abandonnée à la consigne de l'aéroport ? On a su ainsi qu'ils étaient au nombre de trois, dont le commandant H'mida Aït Mesbah, chef du service opérationnel de la Sécurité militaire (...). La SM avait mis au point un scénario de coup d'Etat et lui avait proposé d'en prendre la tête. Pour les besoins de la cause, Aït Mesbah, qui connaissait bien Krim depuis la guerre, s'était converti à l'opposition. Tout était fin prêt pour la prise du pouvoir, avait-il expliqué à Krim. La proclamation annonçant la chute de Boumediene était même enregistrée. Un gouvernement était constitué : autour de Krim, président de la République, siégeait Aït Mesbah à l'Intérieur ; Mouloud Kaouane, personnage peu recommandable, écopait de la... Justice ; la Défense revenait au colonel Mohamed Salah Yahiaoui, mais on avait omis de le consulter.... » Malgré la criminalisation des éliminations politiques, avec l'arrivée de Chadli Bendjedid au pouvoir, ces pratiques ne se sont pas arrêtées pour autant. Le 7 avril 1987, maître Ali Mecili, avocat et opposant politique, a été assassiné devant son domicile à Paris. Michel Naudy dans son livre intitulé Crime d'Etat avait souligné : « Dans la liste des crimes politiques impunis, le meurtre d'André Mecili occupe une place à part. Il est le point d'application exacte du terrorisme de l'Etat algérien et du cynisme des autorités françaises prêtes à couvrir un déni de justice pour protéger des intérêts inavouables... » Même après l'ouverture démocratique de 1989 et le chaos des années 1990, les assassinats politiques n'ont pas cessé. Même les commissions d'enquête créées pour élucider ces crimes n'ont jamais livré à l'opinion leurs résultats.

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