Dans un projet de construction, les agrégats représentent jusqu'aux deux tiers des matériaux utilisés et près de 30% des coûts. Ce schéma synthétique dressé par un chef d'entreprise activant dans le bâtiment et les travaux publics renseigne sur l'enjeu que représentent les sources d'approvisionnement en matériaux de ce type. Le marché d'agrégats et ses dérivés ne peut être que prospère et juteux avec le véritable boom que connaissent depuis quelquesw années les secteurs du bâtiment, de l'urbanisme et des travaux publics. En l'absence de carrières d'agrégats en mesure de répondre aux besoins exprimés, de plus en plus grands, les entreprises de construction et les particuliers auto-constructeurs se rabattent sur les matériaux alluvionnaires, ce qui engendre un massacre pur et simple des lits des oueds et un coup dur aux ressources hydriques souterraines et accélère l'érosion des assiettes foncières le long des rivières et autres cours d'eau. Pourtant, depuis au moins 2005, les pouvoirs publics tentent d'engager un processus de substitution des agrégats naturels (sables des oueds) par ceux provenant des carrières d'extraction, et ce, à la faveur de la promulgation de la loi sur l'eau interdisant formellement l'extraction de sable des rivières. Mais, sept ans plus tard, l'objectif escompté demeure au stade des intentions. Mieux encore, à présent, une force de résistance semble freiner, voire hypothéquer toute tentative de concrétisation de cet objectif. En effet, les carrières de production d'agrégats répondent à peine à 10% des besoins du marché, ce qui contraint chaque fois le gouvernement à renvoyer sine die l'application de la loi interdisant l'utilisation des sables naturels. Dans la wilaya de Tizi Ouzou, les opportunités sont tellement considérables que les oppositions s'exacerbent davantage dans le but justement d'anéantir tout aboutissement du processus de remplacement des agrégats naturels par les matériaux issus des carrières. Théoriquement, la direction de wilaya de l'énergie et des mines, régissant ce créneau en collaboration de l'ANPM (agence nationale du patrimoine minier), fait état de capacités de production confirmées pouvant couvrir jusqu'à 50% des besoins, estimés à quelque 7 millions tonnes. A l'horizon 2015, les autorités locales tablent sur une hausse exceptionnelle des besoins en la matière pouvant atteindre les 17 millions de tonnes. «La wilaya de Tizi Ouzou possède des potentialités minières importantes. Plusieurs carrières ont été créées afin de mieux exploiter cette richesse et subvenir aux besoins de la population et de l'économie de cette région», souligne-t-on auprès de cette administration de wilaya. Des oppositions et des questions Le diagnostic des potentialités de la région en la matière fait état de «substances minérales non métalliques (qui) sont d'une importance capitale dans le secteur économique, car elles sont utilisées dans plusieurs domaines, notamment la production d'agrégats pour le BTPH, la pierre de taille, des composants pour ciment, granulats et poudre, la chaux, verrerie, briques et industrie chimique (peinture), céramique, et autres». Un créneau non négligeable et dont l'exploitation constitue, à coup sûr, une richesse révélée pour l'économie locale, d'autant plus que «certaines substances tels que les grès, calcaires et pegmatite sont prédestinées pour des utilisations nobles comme le carbonate de calcium, la production de verre et d'ajout pour aliment de bétail», souligne encore le diagnostic de l'administration de wilaya. Mais, sur le terrain, l'exploitation des carrières opérationnelles n'approvisionne qu'un dixième du marché (10%), ce qui fait constater que l'exploitation des gisements d'agrégats dans cette région du pays est quasiment mise en veilleuse. «Les carrières fonctionnent à 10% de leurs capacités, employant des moyens mécaniques rudimentaires (les explosifs ‘‘mines'' étant servis au compte-gouttes, ndlr). Durant l'année 2011, l'exploitation minière dans la wilaya fait état de cinq carrières de calcaire et calcaire marbré pour la production de sable et agrégats avec une capacité installée de 843 600 tonnes/an et un effectif de 47 employés. En 2012, la production de sable pour sa part a été estimée à 6000 m3 et la production d'agrégats à près de 7800 m3. A ce rythme, la production reste insignifiante et ne couvre pas les besoins de la wilaya», fait-on savoir au service de l'exploitation minière de la direction de wilaya de l'énergie et des mines. Plusieurs facteurs sont à l'origine de la sous-exploitation de «ce potentiel prouvé». C'est, avant tout, la levée de boucliers des populations locales qui s'opposent à tout projet de ce type par crainte d'«atteinte à l'environnement», l'inefficacité des équipements utilisés, mais aussi la réglementation régissant «les zones protégées», comme le littoral et le Djurdjura où se concentrent une grande partie des sites d'extraction. Au sujet des oppositions, les responsables du même service font savoir que des «négociations sont menées auprès des populations locales pour autoriser l'ouverture de sept (7) nouvelles carrières». En conséquence, sur 30 carrières recensées à travers la wilaya, 14 seulement sont en activité, une carrière à l'arrêt dans la région de Tigzirt, deux à l'abandon à Ouacifs et Mekla. En outre, dans le souci d'éviter toute rupture dans l'approvisionnement des chantiers en cours, les services de la wilaya procèdent à des autorisations «exceptionnelles» d'exploitation. C'est le cas de deux carrières autorisées par le wali de Tizi Ouzou en 2012 pour «approvisionner la nouvelle autoroute d'évitement de la ville d'Azazga, la réparation des glissements de terrains et le projet de modernisation de la ligne ferroviaire Thenia-Tizi Ouzou». Enfin, il est utile de noter que le débat sur l'exploitation des carrières d'agrégats ne fait qu'alimenter les discours sans aucune avancée sur le terrain.