Les experts estiment que les frontières sahariennes de l'Algérie doivent être contrôlées par des moyens plus sophistiqués, plus efficaces. Le groupe «multinational» qui a attaqué, mercredi 16 janvier 2013, la base-vie et l'usine de gaz de Tigantourine serait venu du Mali. Scindé en plusieurs petits groupes, les ravisseurs d'In Amenas seraient passés par le Niger, ensuite par la Libye pour enfin prendre d'assaut le site gazier du Sud-Est algérien. Ils auraient, selon des sources informées, mis plusieurs mois à préparer l'attaque et à regrouper l'armement. Le groupe aurait évité d'évoluer en colonne en terrain désertique pour avancer vers la cible, désignée depuis longtemps. Mais au-delà de ces préparatifs tactiques qui relèvent d'«une spécialisation» militaire pointue des terroristes, la sécurité des frontières avec la Libye pose sérieusement problème. On aura vite oublié qu'un groupe d'inconnus a kidnappé le wali d'Illizi, il y a une année, et l'a emmené vers la Libye dans des conditions qui demeurent toujours inconnues. S'agissait-il d'un coup d'essai ? A cette date, le débat s'est vite perdu dans des considérations superficielles, occultant l'essentiel : la protection des frontières du Sud. Depuis, rien n'a été dit sur l'affaire de ce wali enlevé puis libéré grâce à l'intervention du gouvernement libyen. Le wali lui-même n'a rien dit, rien révélé. Vite classé à la case «pertes-profits». Alger et Tripoli tentent, depuis quelques mois, de coordonner leurs actions pour mieux sécuriser leur frontière terrestre commune. Des efforts qui ne semblent pas aboutir à du concret malgré la gravité de la situation et l'accélération des événements au Mali. SUD ALGERIEN, LE VENTRE MOU L'attaque contre le site d'In Amenas a eu lieu moins d'une semaine après la réunion de Ghadamès, en Libye, des Premiers ministres de l'Algérie, de la Tunisie et de la Libye, consacrée à la sécurité, à la stabilité et au développement des zones frontalières. C'est un début de concertation. Reste à mettre en pratique les décisions politiques décidées à huis clos. En la matière, les pays maghrébins ont pris beaucoup de retard. Les mécanismes de cette coordination sécuritaire auraient dû être mis en place depuis plus de vingt ans. L'instabilité chronique au Sahel et l'émergence de nouveaux conflits en Afrique semblent à peine secouer les capitales maghrébines. Le danger est bien là. Un danger presque permanent. Alger craint des groupes libyens «anti-algériens» qui seraient tentés par des actes d'agression en territoire national. D'où la nécessité stratégique de mieux travailler avec les nouvelles autorités libyennes pour surveiller les frontières et pour contrôler le flux des marchandises qui circulent entre les deux pays. A Tripoli et à Benghazi, le nouveau gouvernement gère comme il le peut les restes nauséabonds du régime de Mouammar El Gueddafi. Le colonel déchu a semé, partout dans le Sahel, «des bombes» à fragmentation. La présence d'extrémistes tunisiens parmi les assaillants d'In Amenas souligne également l'importance de densifier la coopération sécuritaire et militaire avec la Tunisie. Le Sud-Est algérien paraît un ventre mou. L'action politique ne suffit pas. Les experts estiment que les frontières sahariennes de l'Algérie doivent être contrôlées par des moyens plus sophistiqués, plus efficaces. La surveillance électronique et la veille satellitaire sont des instruments performants pour garder un œil sur d'immenses contrées désertiques. A ce niveau-là, il faut revoir la stratégie de défense du territoire qui, elle, ne doit plus être le domaine réservé des militaires uniquement. Cette stratégie ne peut évoluer qu'avec l'implication des universitaires, des analystes indépendants, des politiques, des chercheurs et des prévisionnistes. L'armée ne peut pas agir seule. Ce n'est plus possible. Cette nouvelle façon d'aborder les menaces extérieures nécessite toutefois de la transparence, de la démocratie, de la compétence et de la vigilance. La responsabilité de la faillite du système sécuritaire à In Amenas doit être située clairement et publiquement. Faire comme si de rien n'était serait, encore une fois, une erreur. La situation actuelle au Sahel sur les plans militaire, politique et économique n'autorise plus la fuite en avant. La «glorification» artificielle des actes héroïques des uns et des autres sert, elle, à approfondir l'endormissement. Ce n'est donc pas la meilleure voie.