L'attaque terroriste contre le site gazier de Tigantourine à In Amenas porte un coup dur au secteur des hydrocarbures en Algérie . Même si l'arrêt momentané de l'usine n'affecte pas l'approvisionnement des clients en gaz, il n'en demeure pas moins que rien ne sera plus comme avant . Que feront les compagnies étrangères exerçant en Algérie et quel avenir immédiat pour le secteur ? Telles sont les questions récurrentes de ces derniers jours. Par ailleurs, la montée du péril sahélien aggravé par la guerre du Mali relance le débat sur les enjeux économiques de ces turbulences dont l'Algérie semble être la cible privilégiée. L'attaque terroriste sur le site gazier de Tiguentourine à In Amenas relance le débat sur les vulnérabilités et les sources d'insécurité aux frontières algériennes. Le groupe terroriste multinational qui a ciblé l'un des poumons de l'Algérie renseigne, si besoin est, sur le danger de la montée de l'Islam radical dans la région et les ingérences étrangères qui manipulent différents acteurs de l'Islam politique afin de se positionner au sein ce couloir stratégique, espace tampon entre la méditerranée et l'Afrique subsaharienne. Le Sahel, cette région des plus déshéritées de la planète, délaissé par les grands de ce monde et même par les Etats limitrophes est plus que jamais sous les feux de la rampe. Une sorte de revanche contre son sort à la faveur de la guerre que mène la France aux groupes terroristes pour la libération du Nord du Mali. Pour expliquer ce no man's land sahélien, les experts insistent sur la fragilité des Etats post-coloniaux nés dans ces pays. Des Etats incapables de parachever leur autorité sur leur territoire, laissant les conflits tribaux et les trafiquants de tout bord réguler la vie sociale, politique et économique des populations. Or, un Etat fragile est potentiellement livré à des forces anarchiques et devient de fait source de conflits armés. Des conflits qui voient des belligérants parfois surarmés par l'argent du trafic. Grand pourvoyeur de main-d'œuvre et de ressources financières, le trafic de drogue est ainsi considéré par les analystes comme l'un des facteurs déterminants de la géopolitique de la région. En effet, véritable plaque tournante du trafic de drogue, les narcotrafiquants sahéliens y trouvent leurs comptes et prospèrent en créant des couloirs via la Mauritanie, le Mali, le Niger et le Tchad pour gagner l'Europe. Et pour sécuriser leurs marchandises, ils recourent aux groupes terroristes pour leur parfaite connaissance du terrain. Ce qui explique l'imbrication entre terrorisme et trafic de tout genre. C'est dire que les pays du nord africain ne doivent plus tourner le dos à leurs voisins du Sud, un reproche toujours fait aux Européens lorsqu'ils lorgnent plus vers le nord que vers le sud de la méditerranée. Pour Mehdi Taje, géopoliticien, chargé des études africaines à l'Irsem (Ecole militaire de Paris), «les enjeux euro-méditerranéens, qu'ils soient stratégiques, énergétiques, agricoles, environnementaux, migratoires, etc. ne s'arrêtent pas à la frontière algérienne mais trouvent leur prolongement naturel et historique au Mali, au Niger, c'est-à-dire le long de l'arc sahélien. Une profonde interaction unit le théâtre sahélien à l'espace euro-méditerranéen et pose d'ores et déjà la problématique géopolitique de la place du Maghreb.» Pour cet éminent expert, «il est inconcevable aujourd'hui pour des stratèges maghrébins d'aborder les enjeux stratégiques méditerranéens en faisant l'impasse sur la géopolitique du théâtre sahélien.» Avec une pression démographique alarmante - 150 millions d'habitants en 2040 - le Sahel assiste à une militarisation croissante pour le contrôle des richesses dont regorge le sol de cette zone grise. Une militarisation encouragée de l'extérieur par des lobbies qui tirent profit des luttes incessantes opposant les bandes ayant le pouvoir politique et qui contrôlent les richesses du pays, à la périphérie peuplée de marginalisés et des laissés-pour-compte, induisant des coups d'Etat itératifs et une instabilité chronique. Une aubaine pour les puissances étrangères pour mettre la main sur des richesses naturelles comme le pétrole et le gaz, l'uranium, le fer, le phosphate, le cuivre, l'étain et même le sel. Pour l'OCDE, le Sahel s'érige ainsi en «hub énergétique» de plus en plus convoité par les grandes puissances. «Les grandes sociétés multinationales, les ‘‘majors'' et cartels poursuivent leurs intérêts stratégiques. Ils disposent des moyens de corrompre, créer des leurres, posséder une armée privée, armer des rébellions et des dissidences, etc. Leur capacité d'action est extrêmement puissante et significative. Par ailleurs, des Etats sont souvent complices : ainsi, la menace terroriste est amplifiée, voire nourrie, permettant aux Etats en rivalité de prendre le contrôle des richesses, de se positionner économiquement et militairement au sein de ce couloir stratégique reliant l'océan atlantique à la Mer rouge. Ainsi, ils pèsent sur les équilibres géopolitiques et énergétiques du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest.» Un véritable imbroglio.