Tout ce qui est méchant restera immortel », écrit Linda sur un de ses nombreux dessins, étalés sur les marches de l'impasse Pichon à Alger-Centre. Linda, 24 ans, qui sort de l'ordinaire, brune, bien portante, l'œil vif. Sûre d'elle, elle est attentive à tout ce qui bouge, blasée par la dureté de vivre dans la rue. Car vivre dans la rue n'est pas facile, surtout pour une mère célibataire. Elle, qui voit la vie d'un autre angle, ne se lamente plus sur son sort, mais essaye d'oublier ce qui ne s'oublie pas. En regardant son enfant, elle sait au fond d'elle que le chemin reste encore long. Linda est victime d'une situation qu'elle n'a pas choisie, dans une société qui ne pardonne pas, face à des gens qu'elle qualifie de méchants. « Sans pitié », dit-elle. Linda défie tout, tout le monde et essaye de survivre comme dans une jungle. Jungle où chacun vit pour soi. Elle, comme une tigresse, est prête à tout pour protéger son enfant : Zaki, à peine 3 ans. Le gamin dort sur le trottoir, fait sans doute de beaux rêves, inconscient des dangers qui le guettent. Lui, enfant pas comme les autres, devra sans doute affronter une vie dure. A son âge ! Habituée au regard des passants, tantôt admiratifs, tantôt médisants Linda ignore son monde. Au-dessus de son cocon, une pancarte écrite en arabe et en français : « Laissez-moi vivre tranquille avec mon fils. » Elle arrive à survivre et à nourrir son garçon avec les dessins qu'elle fait et qu'elle vend à 50 DA. Dans son petit nid, bien douillet, elle est plutôt bien organisée. On y trouve de tout : de quoi laver son linge, des jouets, un miroir, un pot de colle et plein d'autres choses. Elle a fait des employés d'un restaurant et d'un cybercafé mitoyens des amis. Ils sont devenus sa famille et son entourage. Se balançant pour chercher de l'ombre, surveillant son enfant qui joue un peu partout tout en lavant son linge, dessinant, bref, c'est de cette manière que Linda passe son quotidien duquel elle n'attend plus grand-chose. Elle ne fait plus attention aux promesses des gens. Aujourd'hui, elle ne vit que pour Zaki. Celui-ci, qui en lui disant « maman », fait naître en elle un bonheur énorme. Ne croyant plus en personne, elle lance : « Je vivrais comme Dieu le veut. Je n'ai besoin de l'aide de personne. » Elle veut que nous partions. Linda dit ne vouloir rien raconter. Elle soigne ses chevilles avec des compresses. Elle qui a déjà eu une mauvaise aventure après son passage à l'émission « Trait d'union » de la Chaîne III. Elle y avait mis tellement d'espoir que son cauchemar arrive à sa fin. Mais comme un malheur n'arrive jamais seul, contrairement à d'autres, elle n'a pas pu profiter des dons qui lui ont été donnés à cause d'une journaliste. Elle lui a dicté la façon de s'habiller. « Elle ne m'a pas laissé vivre tranquillement », dit-elle. Linda a rejoint la rue. Elle a « cerclé » son territoire. Désormais, personne ne peut prétendre lui dicter sa conduite. Et dire que, pour certains, la vie n'est pas un cadeau offert sur un plat en argent. Linda devra livrer bataille pour la vie, contre les gens, contre elle-même : ses remords, ses nostalgies, ainsi que ses faiblesses. Avec l'espoir qu'un jour, le rose viendra colorer son existence.