La compagnie théâtrale El Ajwad a présenté, ce mardi, à 18h 30, à l'institut français de Constantine, la pièce «En-digné», de l'écrivain et dramaturge Mustapha Benfodil, mise en scène par Kheireddine Lardjam. C'est un double monologue, -pour deux rôles, Moussa et Aziz,- remarquablement interprété par le comédien Azzeddine Benamara, né en France de parents algériens. Un jeune Algérien, Moussa, qui a fait des études mais ne trouve aucun travail, accepte, en désespoir de cause, de «laver» les morts dans une morgue, dans une région perdue. Les morts sont son seul «auditoire» auquel il confie toutes les déconvenues d'une existence pathétiquement maussade, sans perspective. Sur les conseils de son ami Aziz, un journaliste-bloggeur, révolté, qui dénonce toutes les tares d'une société en perte de valeurs (qui finit par s'immoler devant une institution publique), il livre toutes ses réflexions sur un dictaphone attaché à son cou. Le texte, corrosif, audacieux, est l'expression d'une vraie tragédie vécue au quotidien par une jeunesse méprisée. Le texte de Mustapha Benfodil introduit avec pertinence l'actualité brûlante dans cette pièce qui dissèque sans complaisance la bigoterie, voire l'hypocrisie, de la société algérienne. Le public, très réceptif, est resté encore longtemps après le spectacle (malgré le match Algérie-Tunisie qui se déroulait en parallèle), à échanger des impressions avec le metteur en scène et le comédien. Ce qui a été perçu comme un encouragement par Kheireddine Lardjam, à poursuivre la présentation de la pièce dans d'autres villes d'Algérie. Il lance, à ce propos : «Je suis venu à Constantine pour avoir le visa du public !» Des intellectuels ont soulevé quelques problèmes que rencontre le 4ème art en Algérie, notamment le manque de formation des comédiens et la rareté des auteurs et de critiques dramaturgiques. «Il manque un vrai théâtre engagé en Algérie, aujourd'hui ; au plan culturel, le pays sommeille depuis 20 ans», a fait remarquer un intervenant.