Au moment où Sonatrach envisage de nouvelles mesures pour sécuriser ses installations énergétiques, les grands groupes mondiaux de la réassurance qui couvrent les deux tiers du risque énergie de la compagnie pétrolière nationale songent à assurer leurs arrières. Même si les responsables de Sonatrach assurent qu'il n'y a pas eu de gros dégâts sur le site d'In Amenas, et encore moins au niveau du gazoduc de Bouira, les assureurs internationaux prennent tout de même leurs dispositions. «Il y aura sûrement un nouveau calcul des prix et primes de réassurances des installations énergétiques de Sonatrach», a indiqué à El Watan Economie Riccardo Fabiani, analyste politique, spécialiste de la région Afrique du Nord au sein du groupe Eurasia (groupe d'expertise et de recherche en risques politiques). «Le processus a déjà commencé et pourrait durer un à deux ans si les autorités algériennes arrivent à rétablir un niveau de sécurité d'avant l'attaque d'In Amenas.» Selon M. Fabiani, qui dit avoir «eu des conversations avec des sociétés d'assurances» mondiales, celles-ci ont déjà engagé des «discussions en interne» pour envisager des actions qui pourraient toucher les futurs contrats de réassurance avec Sonatrach.Certes, dit-il, «elles savent globalement que la sécurité en Algérie n'est pas un problème, mais doivent se préparer en cas de danger qui résulterait de la crise au Mali». C'est dans ce cadre qu'elles «ont peur et prêtent une attention particulière à ce qui se passe en Algérie». En tout état de cause, on parle, selon lui, d'un effet de un à deux ans, après quoi «les primes d'assurances vont revenir graduellement au niveau d'avant» Tiguentourine. Youcef Benmicia, cadre dirigeant au sein de la Compagnie algérienne des assurances (CAAT), membre du groupement des assureurs nationaux de la Sonatrach, affirme que «les réassureurs risquent de relever les coûts de réassurances, par prudence, même s'il n'y pas eu de dommage subi au niveau de Tiguentourine». Toutefois, il y a «un potentiel d'exposition au risque et si on constate un risque plus élevé, il est normal que les réassureurs prennent leur disposition». Généralement dans pareille situation, «les compagnies peuvent soit décider de maintenir les tarifs dans le meilleur des cas, soit les relever dans le pire des cas». En revanche, il ne risque pas d'y avoir «une diminution des prix, ce qui se produit parfois» quand il n'y a pas de grande sinistralité pendant une certaine période. Le poids des réassureurs Il faut savoir que la réassurance occupe une très grande place dans la couverture assurance de la Sonatrach. Il y a deux ans, l'ex P-DG de la Compagnie d'assurances des hydrocarbures (Cash), Nacer Sais, indiquait que «plus des deux tiers (70%) des risques Energie du groupe Sonatrach sont assurés par des sociétés d'assurance internationales, le reste étant couvert par un consortium de quatre assureurs algériens». Environ «une vingtaine, voire une trentaine de réassureurs internationaux» interviennent dans les opérations de réassurances, impératives en raison du manque de capacités financières des assureurs nationaux pour couvrir l'ensemble du risque énergétique de Sonatrach. En 2010, la compagnie avait notamment retenu trois groupes internationaux de réassurance, Swiss Ré, Munich Ré et l'américain AIG, pour réassurer une partie de son patrimoine industriel pour un montant du contrat estimé à 30 millions de dollars. Au niveau national, l'assurance des installations énergétiques de Sonatrach est assurée par un consortium de compagnies nationales (CAAR, CAAT, SAA, CCR) dont le chef de file est la CASH. La réassurance est justement l'une des «particularités» du secteur énergétique, souligne M. Benmicia, qui vient s'ajouter au fait que c'est un secteur où il «y a une concentration de valeur et de capitaux liés à une industrie de pointe». Les risques sont donc assurés à l'international où il y a un marché de l'énergie et de la pétrochimie en matière de réassurance, car ces réassureurs «ont des capacités financières importantes». «Les conditions ainsi que les prix d'assurance et de réassurance sont donc fixés par le marché international», précise le responsable de la CAAT. En ce qui concerne le patrimoine (industriel et immobilier) de Sonatrach, il bénéficie de plusieurs types de couvertures, mais «ce qui est réassuré, ce sont les installations énergétiques, l'activité forage et en partie la responsabilité civile». Les prix sont également fixés «en fonction de la demande de couverture» et en la matière «les conditions édictées par les réassureurs sont parfois draconiennes (quand la conjoncture est défavorable)», remarque M. Benmicia. Les réassureurs peuvent «demander que les sites soient gardés par exemple». Cela dit, M. Fabiani estime qu'après les attaques d'In Amenas, «il serait difficile pour ces réassureurs d'exiger des conditions nouvelles, car elles savent qu'en Algérie les sociétés y opérant n'ont pas la possibilité de modifier les mesures de sécurité à leur guise. Leur marge de manœuvre est limitée par le fait que les autorités algériennes imposent des conditions strictes» en la matière. Selon le PDG de la SAA, Amar Latrous, il existe «une couverture contre les conséquences des risques terroristes qui est proposée par toutes les compagnies d'assurance», au même titre que la couverture contre les risques de sabotage et contre «les émeutes et mouvements populaires», précise M. Benmicia. L'attaque terroriste d'In Amenas pourrait avoir une portée régionale quant aux conséquences sur les assurances. Selon M. Fabiani, en effet, les réévaluations des primes de risque pourraient également toucher «la Libye, où le risque est encore plus grand qu'en Algérie, la Tunisie où la montée des djihadistes inquiète les assureurs, ainsi que la Mauritanie, même si pour ces pays l'activité énergétique est moindre qu'en Algérie».