L'université ne répond pas aux exigences du développement économique et social du pays. Le développement intellectuel du futur universitaire se structure à 7 ans, et les premières années scolaires sont les plus décisives. L'égalité des chances, c'est à l'école primaire qu'elle commence, c'est là que se joue l'avenir scolaire et même l'avenir tout court des enfants, surtout pour ceux des milieux populaires. Il convient de l'assurer à tous les enfants, sans discrimination, afin que la promotion de la personne humaine sur l'échelle sociale se fasse selon les valeurs d'intelligence et de talent personnel. Des centaines de milliers de jeunes voient leur avenir universitaire compromis parce que l'école a échoué à leur donner les acquis de base que sont l'écriture, la lecture et le calcul. C'est toute la mission de l'école qui est à repenser, celle de l'acquisition du savoir et d'un lieu d'enseignement, qui est la donnée de base de l'éducation. L'école doit être transformée dans sa substance, dans son organisation et dans l'ensemble de ses relations avec la société. L'éducation doit éveiller l'esprit critique qui seul permet de résister aux propagandes et d'exercer sa liberté de jugement. Elle doit conseiller l'humanité qui est la garantie de l'esprit de la liberté et de la responsabilité. Il s'agit de dire quel l'homme et quelle femme voulons-nous former, pour quelle société, et quelle culture voulons-nous leur transmettre ? C'est par l'éducation clé de voûte de la société et de l'avenir du pays que passent toutes les routes qui mènent à la démocratie, à la liberté, à la justice et aux droits de l'homme. Mère de toutes les libertés, elle conjugue égalité des chances, formation des citoyens, accès au pouvoir, sélection des élites capables de maîtriser les nouvelles technologies, instrument de la croissance et de la création d'emploi. Le pouvoir a intégré la technologie qui le rend dépendant de l'étranger, mais a négligé la recherche scientifique qui crée cette technologie. Les deux clés de l'éducation se nomment démocratisation et modernisation. La démocratisation de l'enseignement dépend de la valeur des méthodes pédagogiques et de la qualification des maîtres. Les enseignants mettaient au-dessus de toute leur mission qu'ils considéraient comme un apostolat, et les élèves leur portaient beaucoup d'admiration, du respect et de la reconnaissance. Autrefois, le professeur était un monsieur respecté, considéré. Il se retrouve ramené par l'érosion matérielle et morale à l'état de technicien supérieur, voire de cadre moyen. Le renforcement qualificatif et quantitatif de l'enseignement primaire et secondaire devrait être retenu comme priorité nationale incontestable, urgente et vitale, pour le progrès de l'enseignement et de la démocratisation de la vie politique et sociale qui est un besoin profond. Les lycées doivent garder leur mission essentielle, dispenser les connaissances générales et les bases de la qualification professionnelle. Promouvoir l'homme, c'est vouloir éduquer plus qu'instruire, éduquer la sociabilité plutôt que l'individualisme, inculquer une culture du respect de droits humains. L'homme n'est pas un moyen, mais une fin, la finalité de toute politique. La défense de la démocratie et le respect des libertés restent la priorité de tout renouveau politique. L'enseignement a-t-il besoin d'une réforme ou d'une révolution ? La réforme à peine est-elle en rodage, quelle est inadaptée, dépassée. Il faudra reformer la réforme. Il faudra bien que l'opinion publique sache si oui ou non le pouvoir veut cette réforme, et s'il le veut, jusqu'où peut-il aller ? La réforme a été affadie, tronquée, dénaturée. Il y a longtemps que l'université est malade de surdité, d'apathie. La réforme à toute l'âpreté des fruits verts qui sont condamnés à ne pas mûrir. Elle consiste à modifier de l'intérieur l'ordre social existant, par un travail patient de conquête politique et idéologique, sans le remettre fondamentalement en cause. Il y a autant de risque que de légèreté à préserver dans cette voie. Dans une société où les comportements sont froids et souvent agressifs, l'analyse « des équilibres nationaux » invite à faire participer au débat sur la réforme, toutes les sensibilités politiques, sociales et culturelles. L'espoir est dans le débat franc, ouvert, constructif qui est signe de vitalité et de force, et dans la dynamique qu'il peut créer. Pour comprendre une société en mouvement, en pleine mutation, il faut épouser son temps, celui du XXIe siècle, et substituer aux méthodes administratives unilatérales un nécessaire débat politique. Avoir des idées, c'est dépasser la conjoncture et la gestion quotidienne de l'université, c'est voir plus loin, c'est penser l'avenir. La réforme implique nécessairement une nouvelle définition de l'université, une transformation de ses objectifs, de son statut, de ses structures, de ses méthodes, de son fonctionnement. La politique universitaire n'est pas sortie de sa tradition, de marginalité et de misérabilisme. La tâche fondamentale de l'université est l'enseignement et la recherche. Elle doit être une usine à connaissance, qu'il s'agisse de la recherche, de la technologie, de la science, de l'initiation à la vie. Elle est et doit rester le lieu de l'étude et du travail. L'université, tout en assumant sa mission de recherche et en dispensant une formation supérieure, doit favoriser l'accès dans des conditions les plus favorables à une carrière professionnelle, assurer un meilleur débouché sur les carrières offertes. Il faut situer sa place dans la vie du pays, préciser son rôle et ses liaisons organiques avec le monde extérieur. Il faut lui redonner son vrai visage de raison, d'efficacité et de responsabilité. Le problème concerne les principes mêmes sur lesquelles est fondées l'université qui doit repenser sa propre finalité, la croissance des effectifs, l'évolution des matières enseignées, les méthodes audiovisuelles. Il faut refaire un examen complet de ce quoi doit être cet enseignement. Il faut ouvrir l'université sur la vie concrète. Elle est mal intégrée à la société et à l'économie et demeure le médiocre instrument de formation des cadres de la nation. On ne peut construire une université pour l'avenir sans repenser les problèmes de pédagogie, sans un enseignement de type nouveau qui, par ses méthodes et ses finalités, ses contenus, soit lui-même un élément de l'humanisation sociale. L'Algérie connaît depuis de nombreuses années une explosion des effectifs universitaires. Elle continue sur sa lancée. Quand un vase déborde, il y a deux manières de résoudre le problème, choisir un vase plus grand ou bien jeter par dessus bord une partie du contenu. L'Algérie a-t-elle trop d'étudiants, ou bien l'enseignement supérieur manque-t-il d'argent, de locaux et de professeurs pour les accueillir tous ? La conception conservatrice de l'enseignement est fondée sur la sélection d'une élite, alors que la culture appartient à tous, et tous les bacheliers se valent. L'université va-t-elle limiter les inscriptions au nombre correspondant à ses capacités réelles d'accueil ? Aucune réforme ne peut être mise en œuvre si les moyens nécessaires ne lui sont pas données, à savoir l'accroissement considérable des équipements sociaux mis à la disposition des étudiants. Le budget de l'université qui devait avoir une priorité absolue, parce que la formation de cadres est le plus utile des investissements est resté limité, parce que les technocrates, les financiers et les économistes qui l'ont évalué sont passés par l'escalier de service de la Banque mondiale et du FMI. Il faut beaucoup d'hypocrisie pour s'étonner après avoir soutenu des syndicats dociles, baudruches flasques et sans contenu, de voir apparaître chez les syndicats autonomes qui ont écarté la méthode de chacun pour soi pour agir en duo et non en duel, des formes radicales d'action. Faire l'inventaire, c'est expliquer où l'on est et où on veut aller. La qualité des études dépend de la qualité des enseignants dont les insuffisances ont été dénoncées. L'Algérien considère que la possession d'un diplôme lui confère automatiquement compétence et honorabilité. Le monde étudiant est bien miné, le travail de sape a été bien fait. L'appauvrissement intellectuel a atteint des proportions effrayantes. Faute de pouvoir utiliser ce qu'ils ont appris, les jeunes universitaires viennent à s'interroger sur la signification même de l'enseignement supérieur. L'assurance des débouchés au terme des études n'est pas retenue. Il faut alléger les programmes. Quand les étudiants trouvent-ils le temps de dormir avec un programme épuisant ? Dans les amphithéâtres. Il faut mettre fin au décalage entre l'augmentation du coût de la vie et la stagnation des bourses et des salaires. Les étudiants souhaitent participer effectivement à la gestion de l'université qui doit les associer à tous les niveaux avec les enseignants pour assurer à leur générosité l'expérience des anciens. Ils doivent assurer la gestion des activités culturelles, sociales et sportives. L'économie et la politique ne doivent pas masquer la culture qui ne peut se passer de l'esprit scientifique et du progrès technologique, liés à une vigoureuse insertion de l'avenir, qui exige un effort soutenu pour recouvrir la capacité et le goût de connaître, pas seulement celui de posséder. Le choix des étudiants envoyés en formation à l'étranger laisse à désirer. La gestion de leur formation doit s'effectuer d'une manière rationnelle et rigoureuse. Le pouvoir n'a fait aucun effort sérieux pour contrecarrer la fuite des cerveaux L'Algérie a besoin de tout cerveau capable de penser à autre chose qu'à soi-même. La diaspora algérienne vivant sur les terres d'exil a maintenu un lien vivant avec son pays d'origine. L'exil peut être l'exercice d'une liberté publique, s'il est justifié par une nécessité, à savoir la défense des libertés. Il ne doit pas être une facilité, ni la recherche du confort personnel. Les demandeurs d'asile politique, qui ont préféré quitter avec leur famille cette terre de souffrance, rendent notre combat pour la démocratie et la liberté plus difficile qu'il ne l'est déjà. Pour eux, il y a la douleur, les regrets, la nostalgie de leur terre natale, mais aussi un sentiment de sécurité et de liberté. L'Occident en général et l'Europe en particulier qui veulent maîtriser les flux migratoires pour des raisons politiques, économiques, sécuritaires multiplient les obstacles à la reconnaissance du droit d'asile, et n'hésitent pas à refouler les réfugiés couverts par la Convention de Genève de 1951. L'Europe n'est ni une terre d'asile ni une terre d'accueil pour les demandeurs d'asile politique qui relève pourtant de la protection des droits humains. La France, terre des droits de l'homme, terre d'asile et de liberté, pour les opposants et les condamnés politiques, c'est pour le passé. La vocation universitaire est marquée par le sens profond de l'égalité et de la justice. A travers l'université, c'est le problème même de la jeunesse qui est posé, de sa place dans la société, de ses obligations et de ses droits, de son équilibre moral même, de sa santé. Rien de durable ne peut-être construit dans le domaine de la recherche scientifique et la santé, sans une volonté collective et populaire qui doit faire sentir le poids de sa présence et de ses exigences. Qui porte la responsabilité des échecs de notre système de santé qui ne cesse de se dégrader en raison notamment de l'absence d'une politique décidée à l'échelon central ? Comment peut-on concevoir que les responsables algériens à tous les niveaux désertent les hôpitaux pour aller se faire soigner à l'étranger ? Le présent signifie dans ce domaine d'angoissantes certitudes. Il appartient au ministre de la Santé de consacrer sa vision, sa volonté et son énergie, à la formation de médecins spécialistes en mesure de réaliser l'autonomie médicale qui libérera les Algériens des prises en charge à l'étranger. Ne pas être en mesure, après 44 ans d'indépendance, de soigner dans des conditions optimales le président de la République est une atteinte grave à la fierté, à la dignité et à l'honneur de la nation.