La réussite scolaire pour tous » n'est plus un slogan ou un vœu pieux, mais une réalité qui pointe son nez dans le paysage scolaire universel. Parmi les facteurs explicatifs de l'échec aux études, beaucoup a été écrit sur les méthodes et les programmes d'enseignement, le système d'évaluation ou les rythmes scolaires. Sur ces points essentiels, des progrès ont été réalisés qui ont chamboulé la pédagogie traditionnelle trop méfiante à l'égard de la psychologie. Relayant les travaux des spécialistes de l'enfance, des pédagogues novateurs se sont préoccupés de la période antérieure à l'entrée à l'école. Et si d'autres causes de l'échec scolaire remontaient à cette période ? Cette question mérite d'être posée plus particulièrement dans les pays où l'éveil chez l'enfant n'est pas encore institutionnalisé. Dans les pays développés, elle a fini par s'imposer aux décideurs des systèmes éducatifs dès la fin des années 1960. La généralisation du préscolaire et les dispositifs de protection de la santé de l'enfant - pas seulement physique - sont les deux avancées les plus remarquables. Les parents seront mis à contribution par des campagnes de sensibilisation et d'information, les personnels formés en conséquence et les infrastructures construites et équipées de façon appropriée selon les normes définies par les spécialistes en charge du dossier. Des pays occidentaux ont pris la décision d'institutionnaliser l'éducation préscolaire. On vit apparaître des secrétariats d'Etat à l'éducation préscolaire afin d'assurer une gestion efficace et mobiliser les moyens nécessaires. Plaidoyer Vers le début des années 1970 - voire avant - des études ont établi un véritable scanner de l'échec scolaire. Les conclusions étaient on ne peut plus claires : l'écrasante majorité des élèves en échec au collège et au lycée se recrutent parmi ceux qui avaient redoublé entre la première et la troisième années du primaire. Cette période de la scolarité est celle où sont dispensés les apprentissages instrumentaux (l'écriture, la lecture et le calcul) qui conditionnent l'accès aux apprentissages élaborés et complexes que l'élève rencontrera au collège et au lycée. Les chercheurs ont affiné leurs études en analysant le poids de chaque apprentissage dans cet échec. En première année du primaire, 91% des échecs ont pour origine un faible rendement en lecture et 9% à cause du calcul. En deuxième et troisième années, ce dernier taux grimpe à 41 et à 44%. Les solutions préconisées ont débordé du cadre strictement scolaire pour embrasser son éducation de la naissance à six ans, l'âge arbitrairement fixé pour l'entrée à l'école. La lecture et le calcul sont deux apprentissages difficiles d'accès pour un enfant insuffisamment préparé. La compréhension et l'assimilation des concepts qu'ils véhiculent exigent un certain niveau de maturité tant mentale que motrice et affective. Ce sont les activités proposées par la pédagogie du préscolaire qui l'amèneront à développer les aptitudes et les compétences nécessaires à l'entrée en initiation. Qui dit éducation préscolaire bien menée dit automatiquement adaptation à l'école. Il ne s'agit pas ici de détailler les principes et les activités de la pédagogie de l'éveil au préscolaire, mais seulement d'insister sur un point capital. L'éveil chez l'enfant consiste à stimuler les fonctions affectives et mentales nécessaires à son équilibre général et à son adaptation au milieu dans lequel il est appelé à évoluer - entre autre l'école. Sans l'action de l'adulte, ces fonctions risquent de rester en sommeil ou traîner des carences préjudiciables à la formation intellectuelle de l'enfant. Cette précaution dans la préparation intellectuelle de l'enfant alimente la gestion pédagogique dans les écoles maternelles. L'éveil ne se confine pas à ce niveau, mais remonte à la naissance de l'enfant au sein du milieu familial. L'éveil culturel à base de stimulations sensori motrices (bouger, toucher, voir, écouter, goûter...) et de communication langagière entre les parents et l'enfant participe à la mise en place chez l'enfant de ce que Piaget définit comme étant les substructures de tout apprentissage. Des substructures qui sont les fondations de la formation et de l'épanouissement de la personnalité du futur adulte. Le rôle du cycle primaire Si à l'évidence l'éveil chez l'enfant prend sa source à la naissance et continue jusqu'à la fin de l'école maternelle, cela ne dispense nullement l'école primaire de continuer sur la lancée de la grande section de la maternelle. A six ans, tous les enfants ne sont pas arrivés au même niveau de préparation (d'éveil) pour bénéficier de l'initiation aux apprentissages de base. Ils ont besoin d'activités structurantes à base de jeux éducatifs, de celles qui lui ont été données au préscolaire. Par souci d'équité, l'école doit respecter le rythme de chaque enfant et ne pas hâter l'uniformisation pédagogique - surtout pas pendant les trois premières années du primaire. D'autres formes d'éveil vont apparaître dans la pédagogie du primaire : l'éveil à l'esprit scientifique, au sens artistique et à l'apprentissage des sports. La géographie, l'histoire et les sciences, en tant que disciplines à part entière dans leur forme élaborée et achevée, ne seront abordées qu'au collège et approfondies progressivement au lycée et à l'université. Au primaire, l'enfant ne possède pas encore toutes les capacités indispensables à la compréhension des concepts scientifiques tels que déployés par ces disciplines. Sa pensée baignée de syncrétisme et d'égocentrisme ne l'autorise pas à y accéder : elle a besoin d'être accompagnée et stimulée dans son évolution vers la pensée logique et formelle qui apparaît vers l'âge de 11-12 ans. A cet effet, l'élève du primaire sera encadré pédagogiquement par le biais d'activités d'éveil - vocable qui désigne ces trois disciplines préparatoires à l'esprit scientifique. Elles sont gérées dans le cadre interdisciplinaire : dans un même thème d'éveil, l'élève fera de l'histoire, de la géographie et des sciences. La méthode n'est plus directive mais active : elle favorise la participation à la recherche documentaire, à la (re) découverte. L'enfant manipule, observe, compare, classe, trie : toutes ces opérations sont préparatoires à l'esprit et à la méthode scientifiques. La même démarche sera adoptée pour l'éducation artistique et l'éducation physique : elles sont incontournables dans la pédagogie moderne qui s'appuie sur une conception globale de l'éducation et qui ne les exclue pas. Là encore, il s'agit d'éveil et non d'apprentissage systématisé, et ce à cause de l'âge de l'enfant. En tout état de cause, le concept d'éveil chez l'enfant est indissociable de la motivation et donc du respect par l'école des besoins spécifiques aux tranches d'âge dont elle assure l'éducation et l'instruction. C'est pour avoir tourné le dos à cette loi de la nature enfantine, que l'école traditionnelle a reçu le qualificatif d'« école-caserne ». Obnubilée par la sélection, les examens, les sanctions et récompenses, elle a exclu de ses salles de classe des génies en herbe qui ne demandaient qu'à s'épanouir et à s'éveiller. Pour stigmatiser cette pédagogie traditionnelle, la célèbre psychanalyste française, Françoise Dolto, écrivait à la suite d'une série de livres pertinents : « Les surdoués ne survivent pas dans une telle logique. Ils sont tôt éjectés du système scolaire. » C'est vrai que des savants célèbres ont expérimenté cette blague de mauvais goût, n'est -ce pas M. Einstein ? [email protected]