Une élection entachée de fraude et dénuée de toute crédibilité.» Telle est la conclusion du rapport de la Commission nationale indépendante de surveillance des élections (Cnisel) sur le scrutin du 29 novembre 2012, rendu public hier lors d'une conférence de presse. Adopté par 45 partis sur les 52 ayant pris part aux élections locales, ce document de 38 pages relève de nombreux dépassements enregistrés depuis le début de l'opération. La commission présidée par Mohamed Seddiki dénonce, en effet, l'influence de «l'argent sale» et «la partialité de l'administration» durant ce scrutin. «L'argent sale a influé lourdement sur le résultat du scrutin ; l'administration a été partiale et elle a favorisé certains partis. De ce fait, l'opération électorale a manqué de transparence», lit-on dans ce rapport. Selon le président de la Cnisel, la commission a enregistré 52 catégories de dépassements constatés à travers les 1541 communes et les 48 wilayas. «Dans ce document, nous avons choisi de relever uniquement la nature des dépassements sans s'attarder sur les endroits où ils ont été constatés et leur nombre, qui est très important», soutient-il. Ces dépassements, ajoute-t-il, vont du vote massif des militaires à la signature de PV non conformes. Le rapport dénonce d'abord le vote des éléments de l'armée et des corps constitués loin de leurs communes de résidence. «De plus, chaque militaire a eu trois à quatre procurations. Et cela influe négativement sur le résultat du scrutin», souligne-t-on dans ce document. La commission évoque également le non-assainissement du fichier électoral que les membres de la Cnisel n'ont pas pu contrôler. «Les CD fournis par l'administration étaient inexploitables», indique-t-il, précisant que cela a entravé le travail de la commission chargée de contrôler les élections. «Si nous ne pouvons pas vérifier le fichier électoral, comment pouvons-nous affirmer avoir contrôlé le scrutin ? Nous avons seulement accompagné l'opération électorale, sans plus», reconnaît-il. «Nous avons subi des pressions morales» Selon la commission, le fichier électoral qui constitue un élément important dans l'opération contient des anomalies. «Il y a des centaines de personnes décédées qui sont toujours considérées comme des électeurs. On y trouve aussi des noms inscrits plusieurs fois, ce qui leur donne le droit de voter deux ou trois fois, voire plus», explique-t-il, tout en citant d'autres dépassements concernant le respect de la loi électorale. M. Seddiki affirme que les membres de la commission ont subi des pressions morales durant l'exercice de leur mission. Mais il ne donne pas plus de détails. Il estime aussi qu'«on ne peut pas prétendre bâtir un Etat fort avec des institutions crédibles si on n'est pas capable d'organiser des élections libres et transparentes». Ce faisant, la Cnisel élabore un certain nombre de recommandations. L'instance a repris pratiquement les mêmes demandes que celles faites dans son rapport sur les législatives du 10 mai 2012. Elle exige l'utilisation d'un bulletin de vote unique, l'accès de tous les partis au fichier électoral, le vote des militaires uniquement dans leur lieu de résidence, la limitation du nombre de bureaux spéciaux et la désignation d'une seule commission neutre qui sera chargée à la fois de la supervision et de la surveillance des élections. La commission demande également la tenue de réunions préalables entre le gouvernement et les partis avant les élections et la révision de la loi électorale, en particulier les mesures relatives aux quotas réservés aux femmes et la proportion de 7% des suffrages exigé pour l'accès des listes au partage des sièges à pourvoir. «La loi électorale actuelle est dépassée», lance le président de cette instance.