Est édifiante, à ce titre, l'émergence d'une catégorie de victimes du terrorisme qui a décidé de briser les murs du silence pour crier à la face des autorités (civiles et militaires) son exclusion et sa mise en quarantaine en ces moments euphoriques de réconciliation nationale. Il s'agit de centaines de jeunes réservistes de la wilaya de Mila rappelés dans le cadre de la lutte antiterroriste entre les années 1995 et 1999. Ces derniers, du moins pour ceux qui auront survécu à la nébuleuse terroriste, se sont constitués en association de wilaya pour la réintégration des jeunes du service militaire, communément appelée MOB (abréviation de mobilisation) afin de mieux se faire entendre et faire valoir leurs droits à la réinsertion sociale tant promise. De près d'un millier d'adhérents, à sa création en novembre 2002, les effectifs du MOB, dont le siège est basé à Oued Athmenia, sont passés à 1200 éléments dont 10 à 15% ont laissé leur vie lors des combats sanglants et des opérations de ratissage et 80% sont des cas sociaux avérés, affirme le président de l'association, Bourahla Bendaoud. « Un père de 4 enfants, originaire de Mila, s'est vu attribuer une pension de... 7000 DA, après avoir perdu les deux yeux dans une embuscade », enchaîne à son tour le trésorier du MOB, Mouloud Kassah Laouar. Vers la fin 1999 (année de la reddition et de l'amnistie), ils étaient, contre toute attente, des centaines à perdre leurs emplois. Pis encore, beaucoup d'entre eux sont revenus avec des séquelles physiques et une fragilité psychologique (traumatismes psychiques, dépressions nerveuses, invalidité ou impotence, etc.). Les oubliés de la tragédie nationale Le choix du poste à occuper porté sur les fiches de vœux par les réservistes avant leur départ pour le maquis ne serait qu'un prisme déformant, selon les membres de cette association, en dépit d'une instruction particulière émanant du commandement de la 5e Région militaire recommandant aux walis d'alors leur prise en charge en priorité, en matière d'emploi notamment. Les oubliés de la tragédie nationale de la wilaya de Mila rappelés pour protéger les populations des communes et des douars isolés sont restés sur le carreau et la majorité de cette catégorie vit dans le dénuement total. Ils n'ont pourtant pas rechigné devant l'appel du devoir national et nombreux sont ceux qui ont payé le prix fort de leur engagement pour la patrie. Mais voilà qu'à la faveur de la paix retrouvée, « toutes les promesses d'un statut social décent se sont volatilisées », résume le président de l'association MOB. Et de marteler : « Il y a des familles qui comptent deux, voire trois éléments rappelés et certains membres de l'association se sont vu même refuser des demandes pour faire partie de la garde communale. Nous avons tout au plus réussi à dégoter une quinzaine d'emplois au niveau du barrage réservoir de Oued Athmenia, mais est-ce une fin en soi lorsque le besoin d'un travail se fait sentir pour près d'un millier d'adhérents ? » Toutes les démarches entreprises auprès de l'ex-wali de Mila, tout comme les correspondances adressées aux autorités militaires compétentes, seraient restées lettre morte, ajoutent nos interlocuteurs.