Face à la recrudescence de la violence, les institutions de l'Etat se cantonnent dans un silence douteux. Où sont passées les institutions de l'Etat? La question mérite d'être posée. Mieux, où sont passés nos députés, nos sénateurs, nos sénatrices, nos ministres, les porte-voix qu'on découvre lors des campagnes électorales et qui s'évanouissent dans la nature dès que les rideaux tombent? Les massacres ont repris de plus belle. Le décompte macabre fait état de 60 morts, entre civils et militaires, en une seule journée. Certains médias jubilent parce que les «terroristes» leur renvoient l'ascenseur. Ils leur donnent l'occasion de crier haut et fort leur hostilité au projet de concorde civile engagé par le Président Bouteflika depuis son investiture en 1999. Un journal rapporte une information relative à une tuerie de militaires entre Batna et Biskra. Quelle que soit sa source, il s'agit d'un scoop qui a fait le tour de la planète pendant que la télévision nationale focalise sur le massacre de civils à Blida et ne souffle mot sur la tuerie des militaires. Toutes les institutions confondues, civiles et militaires, ont évité de s'exprimer sur cet événement qui se classe en seconde position, après le double attentat de Tel-Aviv, en matière d'impact médiatique. Les institutions ont laissé le champ libre à quelques titres qui ont mis les bouchées doubles pour solder le compte au Président de la République. Ils appellent à la rescousse et les soldats déchus et les relais satiriques français pour apostropher les militaires afin qu'ils se décident à abandonner «leur smoking d'apparat». C'est de bonne guerre, dira-t-on. La liberté d'expression doit être préservée même si elle ne prêche pas pour la bonne cause. Les institutions de l'Etat - très budgétivores-, en revanche, sont impardonnables sur ce front. Elles se targuent d'être représentatives. Mais que font-elles face aux périls? Dans toutes les nations qui se respectent, les institutions élues ont le devoir de répondre, d'exprimer, de revendiquer, de pallier les préoccupations des citoyens. Les médias ne sont que des vecteurs de transmission et ne peuvent en aucun cas se substituer aux institutions politiques et...militaires. On assiste à un renversement des rôles. Nos députés et sénateurs lisent les journaux et commentent dans les couloirs les écrits de presse au lieu de s'impliquer en jouant pleinement leur rôle d'intermédiaire entre les électeurs et les obligations des autorités. Ces mêmes élus ont adopté unanimement le projet de concorde civile. Ils ont cautionné la démarche de réconciliation qui a heureusement porté ses fruits et mis mal à l'aise les tenants du pourrissement. Mais ils assistent à présent en spectateurs aux coups portés au projet qu'ils ont soutenu, il n'y a pas très longtemps. Des massacres ont eu lieu dans d'autres régions, particulièrement à Chlef, mais aucun député ou sénateur ne s'est déplacé sur les lieux pour exprimer sa solidarité avec les familles des victimes, ni présenter une question orale ou écrite aux autorités concernées. Cette démission renvoie à la nature même de la représentativité. La question se pose d'elle-même: «Quel est le taux de légitimité de nos élus puisqu'ils ne se sentent pas concernés par les préoccupations de la société qu'ils sont censés représenter?» S'il s'agit de déficit en communication, comment ont-ils donc pu convaincre les électeurs pour leur arracher leur voix? Le propre d'un élu est d'abord la communication. Il doit convaincre. Quand il se tait au moment où il faut parler, on est en droit de se poser des questions. Faudra-t-il attendre les ordres pour exprimer un avis sur un événement capital?