En juin 1845, le colonel français Aimable Pélissier, sur ordre du Maréchal Robert Bugeaud, traque des membres de la tribu des Oulad Ryah, dans le Dahra, dans la région de Mostaganem. Les Oulad Ryah soutiennent l'insurrection de Boumaâza contre les occupants français. Harcelés, femmes, enfants, personnes âgées et guerriers se réfugient dans la grotte de Ghar Frachih. «Enfumez-les à outrance comme des renards !», lance le Maréchal Bugeaud. Pélissier, promu plus tard «Maréchal de France», obéit et tue en les enfumant des milliers de personnes. Sans état d'âme. Malgré les écrits historiques, cet épisode de l'entreprise coloniale reste peu connu. Dans le langage contemporain, cela s'appelle un génocide. Crime collectif jamais puni. Ben Saber Abed Djamel Eddine, de l'Association El Ichira de Mostaganem, s'est appuyé sur ces faits d'histoire pour écrire le texte et mettre en scène la pièce Zahrat Al Dahra (La fleur du dahra), présentée dimanche soir au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi à Alger. Un medah raconte l'histoire appuyée par la troupe munie de bendirs. Ensuite est évoquée la simplicité de la vie rurale avec un langage échappant difficilement au passéisme. Après, apparaît la trame essentielle d'une pièce déjà assez lourde avec une scénographie figée, sauvée à peine par les lumières. Al Ajal (Arslan Bouhala), berger avec flûte (évidemment !), déclare son amour à Zahra (Iman Belâalem), venue chercher la chèvre dans les monts du Dahra. S'ensuit un long et ennuyeux «je t'aime, moi aussi» à la manière d'un Roméo et Juliette, en couple chantant sur des terres arides. Le cousin, qui pense que Zahra lui est promise depuis «la naissance», va tenter d'intoxiquer la relation sentimentale, comme dans un mélodrame. L'amour ne semble être qu'un prétexte pour raconter la guerre. Disons-le tout de suite : pas plus ! Les comédiens se sont débrouillés pour bien jouer et faire oublier la sécheresse ambiante. Le recours à la vidéo pour montrer la campagne criminelle du Maréchal Bugeaud contre les populations civiles du Dahra n'a pas été d'un grand secours pour la pièce. Le metteur en scène aurait pu mieux la maîtriser sur le plan technique, la mettre dans le contexte de l'histoire d'une manière plus artistique. «Le colonialisme a tué des milliers de personnes dans le Dahra et a tué l'amour également, le sentiment le plus noble chez l'être humain. Les enfumades du Maréchal Bugeaud sont comme les gaz d'Hitler. Les français ont utilisé ‘‘le gaz'' avant Hitler. J'ai déjà abordé ce thème des enfumades en 1999. Cette fois-ci, j'ai voulu raconter une histoire en évoquant ce qui s'est passé dans les grottes du Dahra pour susciter l'intérêt», a déclaré Ben Saber Abed à la fin du spectacle.