Les Algériens avaient décidé alors d'avoir leur propre sort entre leurs mains en se soulevant contre le farouche colonisateur et les affreux actes de barbarie commis par des troupes armées issues pourtant d'une nation dite «civilisée». Ils étaient savamment menés par des sanguinaires qui avaient pour noms à l'époque, Cavaignac, Saint-Arnaud, Cassaigne, Pelissier et autres Bugeaud…Mais bien avant cela, les Algériens auront eu le temps de payer le prix fort du sacrifice tout en subissant les pires humiliations de la part des soldats français, forts de leur imposant arsenal militaire face à la seule volonté et farouche détermination d'un peuple opprimé. Ainsi, dans les fins fonds de la région du Dahra, au cœur de laquelle est implantée Mostaganem, des crimes de guerre abominables et sans précédent ont été perpétrés par l'armée française contre quelque 1 150 habitants indigènes de la tribu des « Ouled Riah », dans la commune de Nekmaria, à l'extrême Est de la wilaya de Mostaganem. Il s'agira d'une importante opération d'enfumade de femmes, enfants, nourrissons, vieillards et hommes sans défense au fond des sinistres grottes où a eu lieu l'un des plus graves génocides que l'histoire de l'humanité ait connu jusqu'à présent et ce, sous l'ordre de Pelissier, sur instruction de l'administration centrale d'alors. Pour la conquête totale de l'Algérie, Bugeaud mena à partir de 1841 une « guerre de ravageur » fondée sur la razzia et la dévastation systématique des régions insoumises. En 1845, la guerre reprend un peu partout dans les « régions pacifiées » à l'appel des confréries. À partir d'avril 1845, le résistant Boumaza est déterminé à continuer la lutte, appuyé par la tribu des Ouled Riah. Il défait la tribu des Sendjas, collaborateurs des français et élimine leur agha. Le général Bugeaud réagit : il envoie cinq colonnes en différents points du territoire concernés par l'insurrection. Ces colonnes infernales sèmeront la désolation. Le général d'Abouville de la colonne de Sétif, le général Marey, commandant les troupes de Médéa, auxquelles s'ajoutent trois colonnes d'Orléansville (actuelle Chlef) confiées aux colonels Ladmiraut, Pélissier et Saint Arnaud. Le colonel Pelissier dirige sa colonne en vue de la répression des Ouled Riah, alliés irréductibles du grand chef de la résistance Boumaza. Les combats sont d'une rare violence en regard des moyens matériels et humains dont disposent les troupes françaises. Les populations n'ont d'autre choix que de se réfugier dans des grottes appelées « Frachih ». A noter que les dites grottes ; profonde d'environ cent quatre-vingt mètres ; sont creusées dans le plâtre et non dans le calcaire comme tant d'autres. Elles sont constituées de galeries sans ramifications latérales et à peu près rectilignes... Ce sont donc des couloirs obscurs longs d'environ 200 m. Les Ouled Riah utilisent de longue date cet abri séculaire leur servait à échapper aux mehallas des deys qui venaient ramasser les lourdes impôts imposés à la population locale. Alors le colonel Pelissier charge des médiateurs arabes d'établir un dialogue avec les chefs tribaux pour négocier un retrait en échange de la soumission des Ouled Riah pour isoler le chef de l'insurrection Boumaza. Les émissaires essuient un refus. C'est alors que Pelissier ordonne d'amasser des matières combustibles devant l'ouverture des grottes, en application des recommandations du général Bugeaud : «Si ces gredins ne se retirent pas des grottes, enfumez-les comme des renards.» Le lendemain, une compagnie d'hommes du génie et des tirailleurs pénètre dans ces grottes pour y mettre le feu. Un courant d'air active le foyer et entraîne à l'intérieur un flux brûlant de fumée. Près d'un millier de femmes et d'enfants ont été ainsi exterminés par le feu en ce triste 20 juin 1845. Un soldat a donné, dans une lettre, le récit de ce qu'il vit la nuit et le matin. « Quelle plume saurait rendre ce tableau ? Voir au milieu de la nuit, à la faveur de la lune, un corps de troupes français occupé à entretenir un feu infernal ! Entendre les sourds gémissements des hommes, des femmes, des enfants et des animaux ; le craquement des rochers calcinés s'écroulent, et les continuelles détonations des armes ! Dans cette nuit, il y eut une terrible lutte d'hommes et d'animaux ! Le matin, quand on chercha à dégager l'entrée des cavernes, un hideux spectacle frappa des yeux les assaillants. « J'ai visité les trois grottes, voici ce que j'y ai vu : « A l'entrée, gisaient des bœufs, des ânes, des moutons, leur instinct les avait conduits à l'ouverture de la grotte pour respirer l'air qui manquait à l'intérieur. Parmi ces animaux, et entassés sous eux, on trouvait des hommes, des femmes et des enfants. J'ai vu un homme mort, le genou à terre, la main crispée sur la corne d'un bœuf. Devant lui étai une femme tenant son enfant dans ses bras. Cet homme, il était facile de le reconnaitre, avait été asphyxié, ainsi que la femme, l'enfant et le bœuf, au moment où il cherchait à préserver sa famille de la rage de cet animal ». Il ajoute : « Les grottes sont immenses; on a compté 760 cadavres; une soixantaine d'individus seulement sont sortis, aux trois quart morts; quarante n'ont pu survivre; dix sont à l'ambulance, dangereusement malades; les dix derniers, qui peuvent se traîner encore, ont été mis en liberté pour retourner dans leurs tribus; ils n'ont plus qu'à pleurer sur des ruines. » Après son forfait, Pélissier répond à quelques bonnes consciences inquiètes: « La peau d'un seul de mes tambours avait plus de prix que la vie de tous ces misérables. » Le prince de la Moskowa, fils du Maréchal Ney, fait une interpellation à la Chambre des Pairs. Cela n'empêche pas Pélissier d'obtenir son bâton de maréchal et d'être nommé gouverneur général de l'Algérie de 1860 à 1864. Deux mois après ; le 12 août 1845 ; intervient une tragédie identique dans le nord du massif. Les « Sbea » ; tribu nichée au cœur de l'imposante chaîne montagneuse du Dahra, au nord de la wilaya de Chlef, dans les environs d'Ain Merane actuellement ; ont cherché refuge dans une autre grotte. Faute de possibilités de conciliation, Saint-Arnaud fait murer les entrées et n'en dissimulera pas les résultats : « Le 12, je fais hermétiquement boucher les issues, et je fais un vaste cimetière. La terre couvrira à jamais les cadavres de ces fanatiques. Personne n'est descendu dans les cavernes, personne... que moi ne sait qu'il y a là-dessous cinq cents brigands qui n'égorgeront plus les Français. » Un rapport confidentiel a tout dit au maréchal, simplement, sans poésie terrible ni images. Il ajoute: « Ma conscience ne me reproche rien. J'ai fait mon devoir de chef, et demain je recommencerai, mais j'ai pris l'Afrique en dégoût. » Le dossier des emmurés de Saint-Arnaud restera confidentiel. Paris n'en apprendra rien sur-le-champ. Par contre, les tribus voisines n'ignoreront pas le sort de leurs coreligionnaires. Abdelwahab AddaSi le peuple algérien s'était soudainement soulevé par une nuit sanglante de Novembre 1954 cela n'était sans doute pas seulement un élan spontané de patriotisme ou par esprit de nationalisme.