Tourné en tamazight et en arabe, Le menteur de Ali Mouzaoui ressemble à un mélodrame, où la caricature bouscule un romantisme «lacrymal». Le libérateur d'hier ne dresse pas les chaînes dans Le Menteur, la dernière fiction de Ali Mouzaoui, projetée hier en avant-première à salle Ibn Zeydoun à Alger. Ali Mouzaoui va dans ce film à contre sens de la démarche dramatique de Les Parfums d'Alger de Rachid Benhadj. Ici, Si Ahcène, officier de l'ALN, assez bien interprété par Arslane Lerari, n'est pas le père fouettard de Karima, la photographe du drame de Benhadj. Finalement, le combat libérateur contre les occupants a bien divisés les algériens. Si Ahcène, handicapé moteur et qui vit dans le souvenir d'une défunte épouse (comme une cause disparue ?), protège sa fille Lila (Yasmina Boukhelifa), institutrice, en dépit de sa faiblesse. C'est le côté jardin fleuri. Côté terre crasseuse, il y a Abderrahmane (Chérif Azrou), mécanicien en révolte contre la misère de sa famille. Il s'en prend à son père (Zahir Bouzrar), simple postier, écrasé par le poids de l'existence. «Toujours les haricots !», éclate-t-il face à sa mère. Une mère totalement absente. L'ambition dévoreuse de Abderrahmane le pousse vers le trafic de drogue. Il prend le chemin de l'ouest pour rencontrer Mégot (Hicham Maghriche). Là, le cliché est bien apparent. Le trafic du haschich ne peut venir que de… l'ouest et, par extension du Maroc. Le père de Mégot est malade et ne revit que par, probablement pour, le kif. Un père silencieux. Il y a déjà trois pères en situation de faillite : un handicapé, un perdant et un mort-vivant. Est-ce pour autant l'automne des pères ? Cela ne semble pas être tout le propos du film de Ali Mouzaoui. Un film qui traîne inutilement en longueur. Entre Abderrahamne, tombé amoureux de Lila, il y a Madjid, l'artiste-peintre réduit à assurer des cours de dessins dans une école. Ecole où l'on ne voit jamais les élèves ! Madjid traîne une blessure : celle de son épouse Mériem. Défigurée, pour une raison inconnue, cette belle femme porte le voile noire. Dans le film, elle s'exprime en arabe. Sommes nous devant une symbolisation, réduite à la caricature, d'une certaine civilisation forcée au deuil et à la défaite ? Ou peut-être s'agit-il d'une imagination poussée au romantisme noir ? Mériem libère Majdid de son amour d'une manière dramatique. Cela aurait pu être autrement dans un scénario écrit d'une autre manière. A un moment donné, on se perd un peu en essayant de comprendre le rapport entre les personnages. La succession des scènes n'arrange pas les choses pour un spectateur voulant plonger dans l'histoire. Le cinéma ne repeint pas forcément le réel. C'est vrai. Mais, l'expression artistique obéit inévitablement à une logique. Le menteur, où la poésie apparaît parfois comme des rais de lumière un matin de janvier, s'enfonce dans le moralisme, dans le prêt à penser. D'un côté les bons, les gentils et les bien éduqués. De l'autre, les méchants, les sales et les brutes. Comme dans une BD, le chef trafiquant, qui embrigade Abderrahamne, porte un chapeau noir, des lunettes noires et fume un gros cigare. Et comme dans un roman à l'eau de rose, Abderrahame et Lila se tiennent la main au coucher de soleil sur une île. L'amour comme il en pleuvait ! Et pour ajouter de la crème au gâteau, le film se termine dans un happy end qui sent le jasmin mélodramatique. Le tout servi, le long de la fiction, par une musique mélancolique puisée dans le patrimoine classique européen. «Il est important d'aller au-delà du réel. Je pense que si notre cinéma veut copier la réalité, nous ne pourrons jamais faire de films. Notre rôle et notre intérêt de laisser l'imaginaire, aller au-devant des choses. Je pense qu'à chaque fois qu'un cinéma accompagne une société, c'est un problème, un échec. On peut dire qu'il a failli à sa mission. Le cinéma doit bousculer les choses. Un film doit devancer l'ordre établi des choses», a déclaré Ali Mouzaoui après la projection presse du film. Le cinéaste a rendu hommage aux jeunes acteurs qui ont joué la première fois de leur vie dans un film. Il s'est plaint des conditions matérielles de production de Le Menteur». un film co-produit par Citel images et l'Agence algérienne du rayonnement culturel (AARC). Ali Mouzaoui a déjà réalisé un long métrage, Mimezrane, la fille aux tresses, et pour la télévision, Les piments rouges et Amour en rade. Il prépare actuellement un documentaire, Mon ami, mon double, sur le cinéaste Abderrahamne Bouguermouh, disparu dernièrement.