Des parents s'interrogent sur la pertinence d'introduire l'éducation technologique en première année primaire, alors que l'élève a appris à peine à se servir d'un crayon. Près de trois semaines après le lancement du débat sur l'évaluation de la réforme du système éducatif, les propositions commencent à prendre forme. La surcharge des programmes est la première préoccupation exprimée dans les établissements où sont organisées les débats auxquels prennent part des enseignants, des représentants des parents d'élèves, des représentants de l'administration et les délégués des élèves pour les lycéens. Ces préoccupations exprimées sont accompagnées de propositions allant dans le sens de l'allègement du volume horaire et de la révision des programmes. «Tout le monde s'accorde à dire que le programme est long et que trois trimestres scolaires par an sont insuffisants pour terminer les cours prévus», explique un enseignant ayant participé à la réunion dans son établissement du secondaire, à Alger. «La surcharge est beaucoup plus préoccupante sachant que l'élève n'a plus de temps pour récupérer. Il n'a aucun moment pour souffler ou pratiquer du sport ou autre loisir. Après les cours, il a juste le temps de solutionner les exercices qu'il doit absolument montrer à son professeur le lendemain», s'inquiètent des parents d'élèves. Des représentants des enseignants craignent «une décision de révision des programmes sans réflexion préalable. Nous redoutons qu'il y ait un ajustement opéré par la tutelle sans faire appel aux experts et aux scientifiques qui devraient s'exprimer sur la pertinence de chaque point du programme. Amputer le programme juste pour satisfaire une revendication pressante ne réglerait en rien ce problème, bien au contraire, ce sera d'autres conséquences encore plus fâcheuses», soutient un professeur de français. Les propos recueillis auprès des parents reflètent les préoccupations liées aussi aux programmes du primaire. Les élèves sont «brouillés» par le nombre important de matières. Trop de matières pour des enfants qui viennent à peine de franchir le seuil de l'école. Des parents s'interrogent sur la pertinence d'introduire l'éducation technologique en première année primaire, alors que l'élève a appris à peine à se servir d'un crayon ; d'autres si le cartable n'est pas trop lourd pour ces enfants. Pour les parents d'élèves, il est indispensable de revoir la répartition du volume horaire des matières et ne retenir que les plus importantes. «Les échos que nous avons eus indiquent que les mathématiques, l'arabe et les langues étrangères restent les matières les plus importantes pour la progression pédagogique de l'enfant durant les premières années de sa scolarité. Il est important pour nous que les capacités d'assimilation et d'apprentissage de l'enfant soient concentrées durant cette période sur ces trois matières. Il est donc souhaitable que les autres matières, à savoir l'éducation civique, l'éducation islamique, l'éducation technologique, entre autres, soient fusionnées à ces trois matières principales», explique Nouar Larbi, coordonnateur national du Conseil national autonome des professeurs du secondaire et du technique (Cnapest). Le ministère devrait également revoir l'âge d'accès à l'apprentissage des langues étrangères. Certes, le débat est ouvert, mais nous devons nous interroger sur les raisons de la faillite de l'apprentissage des langues. Est-ce une question d'âge, ou s'agit-il de lacunes dans la formation des enseignants ou encore de changement du support d'apprentissage ? La question la plus importante devrait être liée à ce qui est attendu de l'apprentissage d'une langue étrangère. «Notre objectif est de communiquer avec autrui ou d'accéder à des informations ou encore d'autres finalités qui ne sont pas précisées», soutient le même enseignant, qui estime que même les enseignants ont subi la réforme de 2003. Plus de 90% des enseignants sont hors spécialité «Il n'y a pas eu de transit entre l'ancien programme et ceux introduits dans le cadre la réforme de 2003. Les enseignants n'ont pas reçu de formation sur ces programmes et beaucoup de lacunes sont en train d'être enregistrées dans ce qui est transmis aux élèves ; à long terme, cela aura des répercussions néfastes», s'inquiète un enseignant affilié au Syndicat national autonome des professeurs du secondaire et du technique (Snapest). La qualité de la formation reçue par les étudiants à l'université ne répond pas, pour une grande partie des enseignants, aux attentes de l'enseignement en matière de transmission de connaissances, de contact avec les élèves ou encore des réflexes à avoir en cas de difficulté d'assimilation. Ces lacunes sont dues, selon les spécialistes, au fait que toutes les recrues ne sont pas issues des instituts spécialisés destinés à la formation des enseignants. Près de 90% des enseignants détiennent des diplômes hors spécialité. C'est le cas, par exemple, de ceux issus des instituts de littérature et langues étrangères et des ingénieurs recrutés pour pallier au manque en professeurs de mathématiques ou autres matières scientifiques. Le ministère a eu recours à ce procédé pour combler le manque en enseignants spécialisés et les efforts fournis pour les doter d'une formation supplémentaire ne peuvent pas régler le problème. Des dispositions ont été prises dans le cadre du dernier statut particulier des travailleurs du secteur de l'éducation, qui accorde un volet important à la formation des enseignants, «mais c'est loin de combler les lacunes enregistrées dans la formation universitaire», estiment les enseignants affiliés à l'Union nationale des personnels de l'éducation et de la formation (Unpef), dans leur critique du statut révisé récemment. Egalité des chances, dites-vous ? Si le principe de base de l'orientation scolaire repose sur l'égalité des chances d'accès à l'école,de réussite et de progression, sur le terrain, c'est une toute autre réalité, atteste Hakem Bachir, syndicaliste au Conseil des lycées d'Algérie et professeur de maths, dans une étude évaluative des réformes. «Ce principe de base est de moins en moins mis en application sur le terrain. On note le manque accordé à ceux dont les besoins éducatifs sont particuliers. Des cursus spéciaux doivent être mis en place pour les personnes handicapées, pour les immigrés, pour les doués… Dans les écoles, les collèges et les lycées, il devrait y avoir une section ouverte pour accueillir certains jeunes handicapés», estime le même enseignant. Les problèmes de transport, l'absence de cantines scolaires, la défaillance des APC dans la prise en charge de l'entretien et la fourniture d'équipement et de sécurisation des établissements ont des conséquences sur le rendement des élèves qui gênent leur progression. Le débat ouvert par la tutelle donne certainement aux parties concernées la chance de s'exprimer sur les embûches rencontrées et les attentes. Mais c'est loin de constituer une tribune d'expression pour tous, car organisé presque «clandestinement» dans certains établissements. Les propositions ont été notées par écrit par leurs auteurs. «Elles seront remises à la direction de l'éducation, puis à la commission chargée de collecter les propositions qu'elle notera dans son rapport final. Nous craignons que la démarche de la commission ne soit pas suffisamment objective et remette fidèlement les doléances des uns et des autres, loin de toute considération politique ou idéologique», s'inquiètent des parents d'élèves.