Le ministre de la Communication a tenu hier des propos sur l'ouverture du champ audiovisuel que les professionnels estiment hésitants et peu clairs. Le pouvoir semble réduire la loi sur la question à la création de «chaînes thématiques» laissant toute latitude aux TV publiques d'entretenir le statu quo en matière de restrictions informationnelles. Ce n'est pas demain la veille qu'on pourra voir se concrétiser le projet d'ouverture de l'audiovisuel au secteur privé. Les propos tenus hier par le ministre de la Communication, Mohamed Saïd, trahissent l'habilité du pouvoir de faire miroiter un projet et quand vient le temps de le concrétiser, il fait tout simplement passer un autre. C'est dans cet esprit-là que toutes les lois sur la réforme politique ont été élaborées, la loi sur l'audiovisuel ne sera qu'une suite logique. Pourquoi fermer de toutes parts l'expression et se risquer d'ouvrir des chaînes où la parole échappera au contrôle de l'Etat ?, semblent se dire les autorités de ce pays dont le premier chef, le Président en l'occurrence, a toujours juré ne pas permettre au secteur privé d'accéder à l'audiovisuel. L'annonce timide de la décision d'ouverture de l'audiovisuel avait au départ suscité un espoir, mais les tergiversations et autres atermoiements du pouvoir ont fini par faire tiédir les plus optimistes. Le ministre de la Communication a fini, hier, par donner la véritable intention du pouvoir de donner place à une fausse ouverture de l'audiovisuel, comme il a donné place à une fausse liberté d'association et de création de partis politiques. Mohamed Saïd annonce que «les autorisations pour l'ouverture du secteur de l'audiovisuel se limiteront à la création de chaînes thématiques dont les capitaux seront à 100% algériens». Ainsi, les chaînes privées ne pourront pas prétendre à la création de chaînes généralistes, une condition qui limite la liberté des prétendants à investir dans le secteur. Le pouvoir donne d'une main et retire de l'autre, il fait croire à une liberté d'action, d'une part, et de l'autre codifie cette même action jusqu'à la réduire à n'être qu'un semblant de liberté. La loi sur l'audiovisuel est celle qui a pris le plus de temps pour sortir des laboratoires du pouvoir, trahissant à quel point l'expression libre dans ce pays représente un danger réel pour ce pouvoir qui refuse de céder aux appels au changement et à la démocratie. «Je ne peux pas donner plus de détails sur le contenu du projet, tant que le gouvernement n'a pas donné son accord. Le texte n'est pas définitif et peut être modifié ou amendé», a affirmé le ministre qui annonce que le projet de loi devrait être au niveau de l'Assemblée au mois de juin prochain. Il dira même sans vergogne que «l'audiovisuel public restera la colonne vertébrale». Le pouvoir n'est toutefois pas incommodé par l'existence de chaînes de télévision informelles activant avec des autorisations tacites venant de certains centres de ce même pouvoir. N'est-ce pas ce même Abdelmalek Sellal qui disait au lendemain de sa nomination au poste de Premier ministre qu'il combattrait l'informel ? Si l'on suit la démarche des pouvoirs publics sur la question de l'ouverture de l'audiovisuel, on serait tenté de comprendre qu'on encourage bel et bien l'illégalité.