Le conseiller d'Etat, Thierry Tuot, préconise l'instauration d'un «titre de tolérance», un apaisement entre communautés, en évitant de parler du voile et de la création de carrés musulmans. Paris De notre correspondant Le rapport commandé par Jean-Marc Ayrault presse le gouvernement français de changer sa politique de régularisation des sans-papiers, en offrant un parcours d'intégration à ceux qui sont légalement inexpulsables. Cette proposition tranche avec la position du ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, qui affirme que les régularisations continueront d'être effectuées au cas par cas. «Le réalisme commande qu'on affronte cette situation en cessant de raconter des histoires au grand public», explique dans son rapport le conseiller d'Etat, Thierry Tuot, qui pourfend l'échec de la politique française d'intégration des trois dernières décennies. «Nous n'expulsons pas les familles dont les enfants sont scolarisés, dont la mère est gravement malade, dont le chef de famille sera persécuté en rentrant dans son pays. Ceux que nous ne reconduisons pas à la frontière ne peuvent pas l'être. A la fin, tous les gouvernements, sans aucune exception, de droite comme de gauche, finissent par leur donner des papiers», a expliqué le fonctionnaire après avoir remis son rapport à Jean-Marc Ayrault. «Moi je dis, puisque de toutes façons dans cinq ans on va finir par leur donner un titre, eh bien commençons tout de suite avec des 'titres de tolérance'», propose-t-il sur le modèle de ce qui est déjà pratiqué en Allemagne. Le «titre de tolérance» proposerait une régularisation progressive sur cinq ans d'une personne en situation irrégulière, en conditionnant chaque nouveau droit à des contreparties, comme l'apprentissage du français. Pour Thierry Tuot, cette nouvelle approche aurait l'avantage d'être pragmatique et de tabler sur la transparence avec une opinion publique qui constate, déjà, que de nombreux étrangers sans papiers ne sont pas expulsés. Si le ministre de l'Intérieur rejette la proposition des «titres de tolérance», M. Ayrault indique que les préconisations du rapport seraient étudiées par le gouvernement, qui songe à refonder sa politique d'intégration. Les associations sont mitigées. «C'est intéressant de dire enfin qu'il y a des personnes non expulsables et qu'on doit arrêter de les interpeller coûte que coûte pour les placer en rétention, alors qu'on finira par les libérer», note Sarah Belaïsch de la Cimade. France terre d'asile a, de son côté, critiqué un rapport «bienveillant mais confus». Par ailleurs, Thierry Tuot recommande d'apaiser les débats sur l'islam, notamment en arrêtant de s'appesantir sur le port du voile. Là encore, Manuel Valls lui oppose une fin de non-recevoir : «Le voile, qui interdit aux femmes d'être ce qu'elles sont, doit rester pour la République un combat essentiel.»