Les déclarations de Tayeb Louh, ministre du Travail et de la Sécurité sociale, tenues jeudi au forum d'El Moudjahid et relatives au soutien du patron de l'UGTA au projet de loi de soutien à l'emploi, sont tombées comme un couperet. De nombreux cadres de la fédération des retraités avec lesquels nous nous sommes entretenus ont exprimé leur « étonnement » devant la décision prise par Abdelmadjid Sidi Saïd, pour cautionner un projet de loi, sans en référer à l'instance suprême habilitée à trancher ce genre de dossier, à savoir la commission exécutive nationale (CEN). « La question des acquis sociaux des travailleurs ne relève pas de la personne de Sidi Saïd. C'est un dossier lourd qui relève d'un débat au sein de la CEN et qui, à ce jour, n'a pas eu lieu. Comment se fait-il que le premier responsable de l'UGTA ait pu donner son accord pour un projet de loi qui remet en cause une grande partie des acquis sociaux pour lesquels de grands sacrifices ont été consentis ? Aucun syndicat n'aurait accepté ou cautionné un tel projet de loi », ont déclaré des cadres de la FNTR. Ces derniers ont exprimé leur regret de voir l'UGTA se transformer au fur et à mesure en un syndicat public, qui a tendance à se mettre beaucoup plus du côté des pouvoirs publics que des travailleurs. En effet, ce projet de loi, examiné et adopté par le conseil de gouvernement, il y a un mois, fait supporter à la Caisse nationale de chômage (CNAC), donc aux travailleurs, les incidences financières induites par les abattements des charges patronales prévus dans le cadre de l'aide à la promotion et au soutien de l'emploi. Une aberration que le secrétariat national de la FNTR a énergiquement dénoncée le 13 mars dernier, en tirant la sonnette d'alarme sur « le risque d'effondrement que font peser les pouvoirs publics sur les caisses de la sécurité sociale eu égard à la crise structurelle qui affecte l'économie nationale, au chômage encore important et à la montée considérable et dangereuse du marché informel ». La fédération a estimé que ce projet de loi « va participer à la cure d'austérité que les pouvoirs publics entendent imposer aux salariés, aux retraités et à toutes les catégories sociales vulnérables déjà écrasées par la cherté de la vie ». Elle a affirmé qu'à travers ce projet de texte, les pouvoirs publics vont aggraver les ponctions sur le système de la sécurité sociale, pour le fragiliser et minorer sa fonction de redistribution des revenus aux assurés sociaux et à leurs familles. Devant cet état de fait, la fédération a appelé la direction de l'UGTA « à prendre toutes ses responsabilités pour que ce texte soit soumis à l'appréciation de la tripartite ». Nos interlocuteurs ont expliqué que l'article 93 de la loi 83-11 du 2 juillet 1983 régissant la sécurité sociale interdit formellement à l'Etat de puiser des ressources, réserves et biens des caisses sociales dont l'utilisation ne doit se faire que dans le cadre des œuvres sociales. « Nous ne sommes pas contre le nouveau texte, mais plutôt contre son article 22 qui prévoit le recours aux fonds de la caisse de chômage en cas de déficit induit par la baisse des taux de cotisations sociales, ou par les mesures d'aide à la promotion de l'emploi. Nous rejetons également l'article 23 de ce projet de texte qui prévoit une petite subvention annuelle que l'Etat pourra allouer à la CNAC, dans le cas où ses ressources s'avéreraient insuffisantes pour couvrir les nouvelles charges. Nous constatons que ces deux articles sont en contradiction totale avec l'article 93 de la loi 83-11. Il y a là une volonté manifeste du gouvernement d'affaiblir les caisses qui ont connu jusque-là un excédent de 20 milliards de dinars, après avoir traversé une grave crise, justement parce que l'Etat a eu à recourir à leur trésorerie. » Nos interlocuteurs ont expliqué que cet excédent « ne peut être garanti avec la nouvelle loi, qui n'a d'autres objectifs que de réduire considérablement les acquis sociaux des travailleurs ». Un enjeu que Sidi Saïd semble occulter pour ne pas gêner les décideurs dans leur politique de mise à mort des droits sociaux.