Selon Abderrahmane Hadj Nacer, la nouvelle Constitution n'apportera aucun changement. Quelles sont les répercussions de la crise financière internationale sur l'Algérie ? Les économistes produisent depuis quelques mois divers points de vue à ce propos. Invité hier par le forum du quotidien Liberté à se prêter à l'exercice, l'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, Abderrahmane Hadj Nacer, a développé, dans un brillant exposé, une vision atypique de la question. Exposé qui lui a valu de brasser large, du capitalisme financier aux problématiques du pouvoir en Algérie en passant par la guerre des monnaies, l'enjeu du Sahel, la corruption ou encore le secteur informel. D'emblée, l'économiste estime que la crise financière internationale résulte d'un déséquilibre des pouvoirs aux Etats-Unis permettant au capitalisme financier de l'emporter sur le complexe militaro-industriel et sur le pouvoir pétrolier. Ce qui a permis la naissance d'une oligarchie qui ne se soucie que de la logique d'accumulation. Cette oligarchie n'a pas besoin, selon lui, d'une classe moyenne, mais plutôt d'une classe de technocrates chargée de garantir l'encadrement des populations. Rôle dévolu jusque-là au wahhabisme saoudien, par exemple, dans le Monde arabe. Or la problématique pour le cas particulier de l'Algérie, dans un monde où cette oligarchie tente d'imprimer des transformations sociales et où les révoltes des Indignés ou du Printemps arabe essayent de rééquilibrer les pouvoirs, est une problématique de pouvoir politique. Pour M. Hadj Nacer, le pouvoir ou les décideurs en Algérie ne sont pas préoccupés par le fait d'acquérir une légitimité en interne, mais beaucoup plus par le fait de se faire adouber de l'extérieur. Si l'orateur prêchait en terrain conquis, il a précisé que la finalité, pour ces décideurs, est de rejoindre l'oligarchie internationale, laquelle accapare des richesses au détriment des masses. Ainsi, la volonté de ces derniers de maintenir l'assujettissent de la population s'explique. Un assujettissement qui passa par un encadrement wahhabite mis en échec en octobre 1988. Puis, depuis, par un nouvel encadrement religieux que le pouvoir politique met en place mais renie. Cette situation explique aussi la domination de la sphère informelle en Algérie. Pour M. Hadj Nacer, un pouvoir en mal de légitimité et informel a besoin de mode de fonctionnement informel de la société. De même que la logique d'accumulation, dans laquelle se trouvent actuellement les décideurs, explique les subventions au profit de l'import-import ainsi que l'injection de masses monétaires importantes dans le circuit via l'augmentation des salaires, sans hausse de la productivité. Ce qui a pour conséquence une inflation galopante. Inflation que l'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie a qualifiée de «vol organisé» au détriment des classes moyennes au bénéfice des plus nantis. L'enjeu du Sahel M. Hadj Nacer a également commenté les scandales de corruption ayant récemment fait la une de la presse. Il estime que si la corruption existe partout, les décideurs de nombreux pays s'assurent que l'achat effectué profite à toute la population. Ce qui n'est pas le cas en Algérie vu le peu de crédit que les décideurs accordent à leur légitimité en interne. Et d'ajouter que les enquêtes pour corruption déclenchées récemment en Italie résultent de la volonté des Italiens de rééquilibrer les pouvoirs et lutter contre une oligarchie personnifiée en Berlusconi. L'ex-gouverneur de la Banque centrale, invité à s'exprimer sur les tensions dans le sud du pays, met en cause l'ethnocentrisme du pouvoir algérien qui a mis fin au principe d'équilibre régional. Il a considéré dans ce sens que les populations du Sud, tout comme celles en Kabylie, lesquelles affichent leur attachement à la patrie, veulent être associées à la gestion de la cité. Et d'ajouter que les Touareg et les Arabes du Sud «se demandent pourquoi ceux du Nord se comportent comme des colons dans leur propre pays !» Une question qui revêt toute son importance lorsqu'on connaît les enjeux actuels dans le Sahel. A ce propos, M. Hadj Nacer a estimé que de toute son histoire, c'est la première fois, aujourd'hui, que cette région a l'occasion de se développer. Car le Sahel est la plus grande surface de terres arables, en plus des richesses du sous-sol dont elle dispose. Des enjeux qui n'auront pas échappé à des pays comme la France. Des enjeux d'ailleurs nécessaires à sa survie et dont elle ne prend conscience, selon l'économiste, qu'en retard.Bref, la situation dans laquelle se trouve l'Algérie actuellement n'est pas reluisante et si elle perdure, le pays va, selon l'orateur, «droit dans le mur». Cependant, celui-ci insiste sur le fait que le jeu n'est jamais fermé. Les solutions sont à trouver dans la laïcité et dans le retour aux sources en matière de démocratie participative. Pour M. Hadj Nacer, la nouvelle Constitution n'apportera pas de changement vu le formalisme avec lequel sont menées les consultations à ce propos. Il pense qu'un débat public autour du secteur des hydrocarbures serait plus pertinent.