«Nous avons besoin d'autres formes de gestion» L'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie s'est livré avec clairvoyance aux questions-réponses de l'assistance. Devenu le principal animateur du débat économique depuis la parution de son livre, La Martingale algérienne, l'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, Abderrahmane Hadj-Nacer, s'est livré avec aisance et beaucoup de clairvoyance aux questions-réponses lors des débats du Café littéraire de Béjaïa tenu samedi dernier au Théâtre régional Malek-Bouguermouh à Béjaïa. Serein, convaincu, clairvoyant et surtout optimiste... tantôt économiste, tantôt banquier et financier, tantôt sociologue et même anthropologue, tout en évitant de se mettre dans la peau d'un politique, l'ex-gouverneur de la Banque d'Algérie a fait le tour de toutes les questions d'actualité, notamment celles relatives à la gestion du pays, des réformes attendues et surtout le mode de gestion adéquat pour notre pays à l'ère du XXIe siècle. Pour cette dernière question, Hadj-Nacer s'est positionné en rupture totale avec les différents modes de gestion du siècle dernier. «La gestion du XXe siècle est désormais dépassée, nous avons besoin, une obligation en somme, d'autres formes de gestion», a-t-il déclaré et d'apporter des explications: «Nous sommes à la veille d'une plus grande autonomie de gestion de notre pays.... il faut mettre un terme définitif à la gestion déléguée pour mettre en place les jalons de la gestion partagée, condition sine qua non de la réussite de tout genre de réformes, économique, sociale et politique...». Enchaînant sur la question relative aux réformes engagées dans notre pays, le conférencier du Café littéraire dira en substance qu'elles sont plus que nécessaires avant qu'il ne soit trop tard car «si l'on refuse de léguer le pouvoir par le passage du témoin aux générations futures, ces dernières finiront par le prendre par la violence», dira-t-il, avant d'ajouter que «l'enjeu majeur est lié à la question «comment gérer une évolution sans révolution?». Nous ne sommes pas obligés de passer par la violence pour apporter des réformes, elles sont nécessaires et indispensables aujourd'hui plus que jamais». Etant un acteur des réformes de 1989, l'ex-gouverneur de la Banque d'Algérie n'a pas échappé à la question relative au «pourquoi «de l'échec des réformes de 1989». Là-dessus, le conférencier n'a pas été avec le dos de la cuillère pour apporter des clarifications qui sont à son sens liées aux erreurs commises dans leur interprétation. «Ces réformes ont échoué car on n'avait pas la maturité politique nécessaire pour éviter les erreurs commises dans les interprétations des réformes d'une part, et d'autre part, parce qu'on n'a pas bien étudié ni mesuré le contexte international de l'époque. Pour réussir une réforme il vous faut une dynamique interne, qui consiste à associer la population au projet, et une autre dynamique externe qui consiste à avoir le soutien au moins des pays partenaires.» Par ailleurs, sur la situation économique de l'Algérie qui dort sur une manne financière importante en réserves de change, Hadj-Nacer, en économiste averti qui a pris son temps et semble avoir réfléchi à l'économie algérienne avant de publier son livre, a été clair en envoyant un message clair et objectif aux décideurs. «Attendez-vous à un système qui a cassé et brisé son intelligentsia pour faire perdurer le statu quo. Il a fait fuir une élite inestimable en qualité et en quantité qui a fait le bonheur des empires économiques des pays du Golfe, notamment à l'instar des Emirats arabes unis». «Nous devons nous en prendre qu'à nous-mêmes qui n'avions pas fait notre job, loin du prétexte, voire du subterfuge, de la main étrangère, car les pays étrangers font leur job convenablement», dira-t-il pour répondre à une autre question liée aux lobbys étrangers avant d'enchaîner avec le pouvoir de l'argent. «On ne peut pas acheter la paix sociale ni une stabilité politique avec de l'argent, car l'argent est un leurre, il n'existe pas, la seule monnaie capitale et principale est la confiance. La transparence est un facteur important dans la gestion économique et politique d'un pays, car avoir de l'argent n'a aucun sens; d'ailleurs, ces dernières augmentations salariales sont irréfléchies à mon sens, elles ne sont pas l'émanation d'une étude macroéconomique relative à l'équilibre budgétaire.» En outre, c'est sur une note d'optimisme et d'espoir que le conférencier a voulu aussi marquer son passage dans l'ex-capitale des Hammadites pour dire que l'avenir n'est pas aussi sombre qu'on le pense. «Notre avenir à nous est bien plus ouvert qu'on ne le pense, car nous affichons une maturité politique relativement aux années 1980, et nous étions plus forts techniquement mais avec beaucoup de manque en maturité politique.»