C'est un Abderahmane Hadj Nacer, ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, pragmatique, logique et très lucide qui s'est exprimé, hier au Forum de Liberté, pour tenter d'apporter des réponses objectives sur plusieurs questions taraudant l'esprit des Algériens. Technocrate avéré, il a de prime abord tenu à expliquer l'importance de la laïcité dans le système politique, à laquelle s'oppose farouchement le pouvoir algérien. “Je ne comprends pas comment un Etat peut m'expliquer mon rapport avec Dieu ; comment l'Etat peut gérer la relation entre l'individu et Dieu ! Laisser la religion à l'individu est la principale innovation de l'Islam qui n'a pas de papauté. Donc, si on veut réellement avancer, il faut séparer la politique de la religion. La laïcité est aujourd'hui plus urgente y compris pour un pratiquant soucieux de préserver sa religion. La laïcité est fondamentale, si on veut sauver Dieu !", a-t-il averti en tant que pratiquant discipliné, rappelant que l'Algérie avait “raté le train" des évènements de 1988 lorsque la laïcité se présentait comme l'unique alternative devant l'idéologie wahhabite préférée jusqu'alors par le pouvoir en place pour assurer l'encadrement de la société. M. Hadj Nacer rappelle que l'objectif de l'idéologie wahhabite qui s'appuie sur la thèse du “Sultan est l'ombre de Dieu sur terre" est de faire du citoyen “un sujet", un citoyen obéissant aux ordres du Sultan. “L'échec de l'encadrement de la société par le wahhabisme, vécu avant 1989, aurait dû profiter à l'instauration de la laïcité par l'Etat. La laïcité étant la seule façon de protéger la religion. Malheureusement, ça n'a pas été le cas. Mieux, les évènements de 1988 avaient abouti à l'abêtissement absolu de l'individu au gré de l'oligarchie. On a fini par sombrer dans le même wahhabisme", (à comprendre dans l'islamisme aveugle), a-t-il rappelé. Faisant le distinguo entre différents systèmes politiques de part le monde, l'invité de Liberté qualifie l'Etat algérien “d'organisation de castes qui n'a rien avoir avec le concept d'Etat-nation". Selon lui, le pouvoir actuel puise sa légitimité de l'extérieur, alors qu'au niveau interne, il se contente d'intégrer quelques technocrates intermédiaires. Aussi, ajoute-t-il, l'Etat algérien est partagé entre deux clans, à savoir le pouvoir apparent et celui informel. C'est cette composition, dit-il, qui explique l'émergence du marché informel dans notre pays. “Le pouvoir informel a besoin d'une société informelle", a-t-il souligné. Dans le même sillage, il rappelle que ce pouvoir a fait disparaître tous les lieux de réflexion et de planification dont la dissolution de l'ancien département ministériel dit ministère des Plans à la tête duquel était désigné M. Hadj Nacer lui-même. D'où, dit-il, le manque d'anticipation constaté aujourd'hui dans la gestion de l'économie nationale. Pour l'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, le pouvoir au service de l'oligarchie est aujourd'hui dans l'incapacité de générer un système favorable à rééquilibrer les rapports de force. Comment remédier à cette crise à la fois politique, économique et sociétale ? M. Hadj Nacer recommande de commencer par d'abord “faire confiance aux Algériens et chercher la légitimation populaire". À la veille de la révision de la Constitution annoncée, M. Hadj Nacer juge ainsi que “sans la participation des citoyens, le changement des textes ne servira à rien". Il se rappelle que les élections avaient plus de sens à l'époque du parti unique qu'aujourd'hui où le “formalisme" prend le dessus ! Remédier à la crise politique, ajoute-t-il encore, doit impérativement passer par aussi faire confiance à notre histoire. À ce titre, il remettra au goût du jour l'inspiration des grecques du modèle berbère de gouvernance d'une époque lointaine. Il préconise ainsi d'écrire et d'institutionnaliser notre histoire, notre vraie histoire... F A