Le chavisme est un phénomène «profondément ancré dans la société vénézuélienne, dont une partie se reconnaît dans les idées de Chavez. Son courant va donc durer longtemps encore». Des centaines de milliers de Vénézuéliens et une trentaine de chefs d'Etat ont assisté, hier à Caracas, aux funérailles du leader bolivarien Hugo Chavez, décédé mardi dernier. L'esplanade de l'Académie militaire était rouge de monde, comme aux grands moments du chavisme. Deux millions de personnes, selon les autorités. Ils étaient même venus de pays voisins, arborant les portraits de leur leader sous les slogans «Hesta siempre Comandante» comme pour l'immortaliser. Quasiment tous les chefs d'Etat d'Amérique latine et des Caraïbes ont fait le déplacement. Le Bolivien Evo Morales, le Cubain Raul Castro, l'Equatorien Rafael Correa, l'Uruguayen José Mujica Cordano, le Péruvien Ollanta Humala, le Nicaraguayen Daniel Ortega et même «l'adversaire» colombien, Juan Manuel Santos, se sont recueillis sur la dépouille mortelle exposée au centre du salon d'honneur de l'Académie militaire de Caracas. Ils ont, à tour de rôle, formé une haie d'honneur près du cercueil d'Hugo Chavez en observant un moment de recueillement et d'émotion. La Brésilienne Dilma Rousseff, en compagnie de son mentor, Lulla, venue s'incliner jeudi soir devant la dépouille de Hugo Chavez, et la présidente argentine, Cristina Kirchner, qui avait également fait le déplacement, sont en revanche rentrées dans leurs pays sans attendre la cérémonie. C'est toute l'Amérique latine qui rend hommage à El Comandante qui a su, en 14 ans de règne, fait relever la tête à toute une région. Mais au-delà, c'est une grande partie de la planète qui a salué, hier, celui qui a incarné pendant plus d'une décennie la voix du Sud en lutte «contre l'impérialisme». Parmi les figures les plus remarquées venues s'incliner à la mémoire du leader charismatique «anti-impérialiste», le président iranien Mahmoud Ahmadinedjad. Son apparition aux côtés de la dépouille était un moment fort de la cérémonie. En larmes, embrassant le cercueil, le poing levé, le président iranien a été ovationné par la foule. Il a été le seul dirigeant du monde musulman à avoir fait le déplacement. Hugo Chavez jouit d'une immense popularité dans la région. Aucun dirigeant n'a fait le déplacement. Les Etats-Unis, cible de prédilection des diatribes enflammées de Chavez, et les Européens n'ont envoyé que des délégations de second rang. La mort du chef de file de la gauche latino-américaine a provoqué une véritable onde de choc partout dans le monde, notamment chez les peuples du Sud. Adulé par le peuple, haï par l'oligarchie, Hugo Chavez rejoint son père spirituel, le Libertador Simon Bolivar, au panthéon de l'histoire de l'Amérique latine comme Zapata, Guevara et Alliende. Son héritier, Nicolas Maduro, a annoncé qu'El Comandante sera «embaumé» comme les grands révolutionnaires du XXe siècle, Lénine, Hô Chi Minh et Mao Tsé-toung, et que son corps serait «visible au moins sept jours de plus». Symbole d'une Amérique latine en lutte contre les ravages d'un libéralisme qui a jeté des millions de personnes dans la misère, Hugo Chavez restera dans la mémoire des nations et, au-delà, un leader qui a marqué son époque. Un dirigeant qui a lutté pour l'émancipation d'un continent livré à la dictature des marchés. Au-delà de ses réussites, il a surtout arraché les peuples d'Amérique latine à la résignation en leur donnant la possibilité de rêver d'un monde meilleur. Les spécialistes du Venezuela sont unanimes à affirmer que le chavisme est un phénomène «profondément ancré dans la société vénézuélienne, dont une partie se reconnaît dans les idées de Chavez. Son courant va donc durer longtemps encore». Une icône de son vivant, le mythe Chavez est en train de naître.