Euphoriques après le succès de leur démonstration de mobilisation jeudi à Ouargla, les représentants des chômeurs pensent déjà à d'autres actions de protestation. L'attention se porte aujourd'hui sur la ville de Béchar où le Premier ministre effectuera une visite et pourrait annoncer de nouvelles mesures au profit des chômeurs du Sud. Il y aura un avant et un après-14 mars 2013, pour tous ceux que nous avons interrogés, l'image positive véhiculée par le rassemblement de jeudi a définitivement ouvert les yeux de l'opinion publique nationale sur un mouvement citoyen pacifique inébranlable qui prend ses racines à Ouargla. Ouargla où la ferveur a cédé la place à la fermeté, et il faut reconnaître que même la météo y est pour quelque chose, puisque le sirocco, le vent du Sud, qui a soufflé, une semaine durant, sur la région jusqu'à jeudi, a ouvert la porte au retour de la fraîcheur qui offre une nouvelle chance de renouveau printanier avant la vraie saison des vents de sable. La visite qu'effectuera le Premier ministre aujourd'hui à Béchar est vivement attendue par les chômeurs qui sont persuadés que comme à son habitude le gouvernement prendra une voie indirecte pour s'exprimer après le succès incontestable du rassemblement de Ouargla. «Nous connaissons le style de Sellal», a affirmé Belabbès, «il a décidé de contourner Ouargla où il a refusé de nous recevoir, mais il a fini par envoyer cheikh Mahfoudh, le notable de la zaouia Sidi Bellekbir d'Adrar qui est un ami du Président ; au début, comme tous les autres notables et les élus, le cheikh a tenté de nous dissuader. En voyant notre détermination, il est revenu à la veille de la marche pour nous promettre l'ouverture des portes d'Alger et une prise en charge totale de nos délégués en cas d'acceptation d'un dialogue avec les autorités». L'émissaire du Président a-t-il confirmé le canal du dialogue et les décideurs qui y prendront part ? Le porte-parole du CNDDC reconnaît qu'«un feu vert a été donné, mais sans accord préalable sur les revendications d'urgence exigées par son groupe pour participer à un quelconque dialogue, à savoir l'embauche d'au moins 2500 chômeurs, l'arrêt des poursuites judiciaires, le blanchiment des casiers judiciaires des chômeurs condamnés, l'annulation des amendes y afférentes et la participation des délégués de toutes les wilayas du Sud dans un éventuel dialogue avec le gouvernement». D'ailleurs, le CNDDC a reporté la publication du communiqué d'après la marche du 14 mars à ce samedi pour donner au Premier ministre toute la latitude d'annoncer d'éventuelles décisions plus concrètes que celles de lundi dernier à même de signifier de manière sans équivoque que les plus hautes autorités du pays veulent vraiment un changement de cap. «Nous n'exigeons aucun délai pour la résolution de nos revendications d'urgence, nous comprendrons au discours et à l'intonation de M. Sellal ce qu'il compte vraiment faire.» «Nous voulons des actes, pas des discours» «Il y a des promesses et des discours que nous avons longtemps entendus et nous voulons du concret maintenant», a affirmé encore Tahar Belabbès. Car, faut-il reconnaître, que la seule décision inédite de l'actuel gouvernement est l'ouverture d'un centre de formation de Sonatrach à Ouargla et encore, le président Bouteflika l'avait promis lors d'une de ses campagnes électorales. La visite de Béchar apportera-t-elle du nouveau ? Les chômeurs aiment à l'espérer et à se donner le temps de mettre à exécution un nouveau plan de lutte le cas échéant. Le succès de la mobilisation de jeudi dernier est grisant pour les organisateurs. Une réussite sur tous les plans, après douze jours de pression oppressante de l'administration et des élus, qui ont tout fait pour que la manifestation n'ait pas lieu. Avec 300 organisateurs badgés et malgré des infiltrations traitées tout au long de la semaine ayant précédé l'événement, le rassemblement a réglé définitivement la question de la représentativité des chômeurs et de leurs représentants. Le camp de Abdelkader Dechache, ayant été débouté par le pouvoir avec cette main tendue aux organisateurs de la marche, envisagerait l'organisation d'une marche le 23 mars. Le rassemblement de jeudi a définitivement signifié aux autorités le peu de pouvoir et d'influence sur le terrain des comités de notables, les jeunes s'étant complètement démarqués du système tribal que le pouvoir invoque et utilise lorsqu'il s'adresse aux populations du Sud. Le mythe du séparatisme et de la division du territoire national a été anéanti par l'hymne et l'emblème national chanté et brandi par ces mêmes chômeurs du Sud traités par certains de «groupuscule séparatiste». Ces derniers ont d'ailleurs réaffirmé leur appartenance nationale dans un nouveau communiqué rendu public le 13 mars où leur affiliation à une seule et unique organisation non pas régionale, mais nationale qui n'est autre que la Coordination nationale de défense des droits des chômeurs (CNDDC), a été exprimée. L'avenir ? Le comité des chômeurs l'appréhende avec philosophie. «Nous sommes devenus des marcheurs et notre lutte pacifique continuera sur les places publiques, elle s'intensifiera et prendra toutes les formes possibles. L'on évoque déjà la possibilité de rassemblements simultanés à travers tout le pays. Nous disons à nos décideurs : ‘Rendez-nous notre dignité'», concluent les représentants des chômeurs.